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de ligne minimum. Et alors reviennent, mais beaucoup plus fortes, toutes les objections auxquelles donne lieu la définition vulgaire de la droite[1]. Comment, dit-on, entre toutes les lignes qui, sur un plan donné, peuvent joindre deux points, reconnaitre la plus courte ? Pour cela, il nous faudrait d’abord les rectifier (cercle vicieux) ; puis, rectifiées, les superposer ; enfin pouvoir apprécier un infiniment petit de longueur. Après quoi, nous ne serons guère avancés, puisque nous ne saurons jamais si, parmi les lignes mesurées, se trouvait la plus courte.

Semblable embarras sur la sphère — étant même admis qu’il ne soit pas plus difficile de cerclifier une ligne que de la rectifier.

Concluons donc encore une fois que la définition de la géodésique. ne nous fait éviter aucune des difficultés que soulèvent les définitions vulgaires de la géométrie euclidienne[2].

Un dernier argument enfin qui, à lui seul, serait décisif.

Nous avons vu, dans l’étude précédente, que les espaces métagéométriques appartiennent à deux genres principaux : ils sont sphériques ou pseudosphériques. Dans les premiers, le plan, c’est-à-dire la surface retournable, est une surface sphérique qui se caractérise en outre par cette double propriété que les droites (arcs de grand cercle), suffisamment prolongées, s’y coupent toujours en deux points, et que la somme des angles de ses triangles est variable et supérieure à deux droits. Dans les seconds, le plan est une surface pseudosphérique, où des droites (géodésiques) peuvent ne pas se rencontrer sans pour cela être parallèles, et où les triangles ont aussi la somme de leurs angles variable mais inférieure à deux droits.

Ces caractères ne sont pas démontrés, ils sont supposés. Mais la légitimité de pareilles suppositions, c’est-à-dire la preuve que la conception de ces surfaces n’est pas contradictoire — comme le

  1. Est-ce que la courbe dite du chien n’est pas une ligne de plus court chemin ? On sait ce qu’est cette courbe : le maître est sur le rivage, le chien dans l’eau à quelque distance du bord ; l’un marche et l’autre nage également vite, et le chien cherche à rejoindre son maître ; il suit une courbe qui est asymptote par rapport au rivage.
  2. Je dois rappeler à ce sujet que des auteurs de géométries élémentaires démontrent, à la manière d’Euclide, sans passer par la définition de la droite plus court chemin, que, dans un triangle, un côté est plus petit que la somme des deux autres ; d’où il résulte, en passant à la limite, que la droite est le plus court chemin. Je n’aime pas les limites. On verra plus tard comment ces difficultés sont résolues en asseyant la géométrie sur des bases rationnelles. Mais ce que je reprocherai surtout à ces démonstrations, c’est de s’appuyer pour démontrer une vérité qui saute aux yeux, sur une vérité moins saillante, à savoir que, dans un triangle, le plus grand côté est opposé au plus grand angle (Voir Rouché et Comberousse).