Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 53.djvu/36

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traire, et précisément dans la mesure où subsistera pour nous la responsabilité personnelle d’un homme, nous exigerons de pouvoir rattacher ses résolutions à des motifs conscients et réfléchis. De même les résolutions de l’esprit qui formule la science théorique ne sont pas indéterminées, pour jaillir spontanément de notre propre activité elles ont mûri au contact des faits, sous là suggestion de toute une vie de l’âme dont les. aspects divers, logique, pratique, esthétique, s’y adaptent harmonieusement. Les postulats théoriques qui nous semblent les plus primitifs et les plus instinctifs, tels que les premiers principes de la géométrie, n’ont fait leur apparition que fort tard dans le cerveau de quelques géomètres grecs. Le choix des postulats auxquels ils s’arrêtèrent est très simple, très clair et très voisin du sens commun c’est, par exemple, entre tous les systèmes que nous citent les métagéomètres, le seul qui laisse subsister dans notre espace cette chose dont nous avons un’sentiment si naturel et qui était impliquée déjà dans les- premiers tâtonnements de l’art humain, à savoir la similitude des formes, la variation proportionnelle des images. Les définitions sur lesquelles s’est fondée la mécanique sont venues beaucoup plus tard, tout récemment, peuton dire ; et il serait difficile de résumer la longue expérience qui finalement a conduit quelques savants du xvn" siècle à s’y attacher. A coup sûr elles impliquaient déjà comme le pressentiment de l’admirable simplicité qui allait en sortir pour l’édification de la mécanique céleste. En tous cas la moindre démarche volontaire de la pensée théorique, chacune de ses décisions, chacun de ses choix, loin de donner l’exemple d’une fantaisie capricieuse et sans règle, se justifie au contraire par des raisons comparables à celles qui rendent compte des résolutions ordinaires d’une âme pleinement responsable de son activité.

Et dans ces conditions la science risque-t-elle de rien perdre de son universalité ? Aug. Comte explique l’accord des esprits dans la connaissance positive par les restrictions mêmes qu’il impose à celle-ci. Elle se borne aux sensations et aux idées que nous en tirons par les procédés naturels d’abstraction et de généralisation. Or nous avons tous les mêmes organes, par conséquent les mêmes impressions, et nous procédons tous de même pour abstraire et généraliser. La connaissance positive représente ainsi, dans l’ensemble des vérités que croit pouvoir formuler chacun de nous, la partie qui s’adresse à tous et qui constitue proprement la vérité. Tout ce qui la dépasserelève d’éléments subjectifs et individuels qui ne pourraient qu’empêcher la science d’être comme il convient la propriété de tous les esprits. Ne recevons-nous pas par notre attitude nouvelle la notion