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vient, avec d’énormes années de retour, avec un flot perpétuel de ses formes, du plus simple au plus compliqué, allant du plus calme au plus rigide et du plus froid au plus ardent, au plus sauvage, au plus contradictoire, pour revenir ensuite de la multiplicité au plus simple, du jeu des contradictions aux joies de l’harmonie, s’affirmant lui-même, même dans cette uniformité, qui demeure la même au cours des années, se bénissant lui-même parce qu’il est ce qui doit éternellement revenir, étant un devenir qui ne connaît point de satiété, point de dégoût, point de fatigue[1].

La question est ainsi bien posée, nous pouvons travailler sur des bases solides.

Nous voyons ce qu’est pour Nietzsche l’Éternel Retour, cette conception qui illumina son esprit ; et après avoir été pris de terreur en face de son hypothèse, il s’est relevé glorieux et a lancé le colossal concept de l’Éternel Retour, à la face du monde.

Résumons la doctrine du Retour. Les forces qui constituent l’Univers sont éternelles et constantes, infinies par conséquent dans le temps. Supposons un instant que cette force décroisse, et tende vers zéro ; comme le monde existe depuis un temps infini dans le passé, la force n’existerait déjà plus ; on ne peut non plus guère supposer que cette force augmente, car où puiserait-elle de nouveaux éléments d’accroissement.

Ces deux suppositions sont en tout cas logiques au point de vue cosmologique, mais il reste une hypothèse qui, à première vue, pourrait peut-être sembler moins bien établie ; pourtant il ne faut pas juger a priori. Pour supposer l’infinie et toujours semblable combinaison de matière, il faut admettre que l’équilibre ne s’établira jamais, ce qui peut sembler un peu arbitraire. Mais reprenons le même raisonnement que plus haut, le temps étant infini dans le passé, l’équilibre, s’il devait s’établir, se serait déjà établi, et, d’autre part, comme c’est toujours la première combinaison qui se répète, et que cette combinaison n’a pas amené l’équilibré, il est bien évident que l’équilibre ne s’établira jamais.

Ainsi l’hypothèse du Retour devient le simple jeu mathématique et immuable des combinaisons, d’un nombre immense mais non pas infini d’atomes.

L’idée de l’atome, ou infiniment petit, au point de vue matière, n’est pas ce que l’on peut appeler une idée neuve, car elle date de quelques siècles avant J.-C. Mais cette idée s’est énormément développée dans ces dernières années et on trouve l’atome sous différents

  1. Ibid., p. 186.