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solidité, et pénètre plus en avant que celle de Platon ou d’Aristote. Après Bacon viennent Leibniz avec sa Monadologie, les matérialistes français du XVIIIe siècle, Kant avec sa théorie de la force expansive et répulsive, enfin les matérialistes allemands modernes qui sont d’ailleurs assez peu explicites sur la théorie de la matière, Büchner, Feuerbach et Moleschott. Nietzsche ne peut être directement attaché à aucune de ces doctrines, sa métaphysique est personnelle comme toute son œuvre. Nous avons cherché à démontrer plus haut combien l’hypothèse du Retour Éternel était pour ainsi dire en germe dans le siècle et comment elle a été exprimée presque simultanément, par trois hommes. Mais I’hypothèse de l’atome, sur laquelle repose pour ainsi dire toute la théorie du Retour, combien plus encore est-elle dans les âmes contemporaines cultivées, partout nous retrouvons l’atome, l’infiniment petit, dans toutes les sciences. C’est maintenant dans chaque science en particulier que nous allons reprendre l’idée de l’atome, et que nous verrons combien cette idée, qui n’est qu’une idée, c’est-à-dire qu’on ne peut pas prouver, est inhérente à la science, et nous verrons aussi qu’en admettant les dernières formes, les formes les plus modernes, nous pourrons prétendre à expliquer le Retour Éternel, d’une façon aussi stricte que sont expliqués les phénomènes physiques et chimiques.

Nous avons peut-être l’air de sortir de notre champ en nous attaquant ainsi aux théories des atomes. Mais il faut bien savoir que toutes nos conclusions, c’est-à-dire notre tentative de prouver la logique profonde du Retour Éternel, reposent sur deux points essentiels : 1° les théories modernes des infiniment petits ; 2° les combinaisons mathématiques. C’est donc sur le premier point que nous allons nous appesantir. Nous diviserons les hypothèses en quatre groupes : 1° L’infiniment petit mathématique ; 2° l’atome chimique, 3° le protoplasma biologique, 4° l’électron physique.

Les infiniment petits. - L’infiniment petit mathématique est, au point de vue de notre hypothèse, le moins utile, mais il peut faciliter la compréhension d’autres infiniment petits.

Lorsqu’une quantité variable prend des valeurs de plus en plus petites, de manière qu’elle puisse devenir moindre que toute quantité donnée, on dit qu’elle devient infiniment petite. Ainsi la différence entre l’aire d’un cercle et celle d’un polygone inscrit peut-être rendue infiniment petite en augmentant le nombre des côtés. — Une quantité infiniment petite ou un infiniment petit n’est donc pas une quantité déterminée qui est une valeur actuelle assignable. C’est au contraire une quantité essentiellement variable qui a pour limite zéro. Ceci suffit à nous montrer qu’en mathématiques l’infiniment petit