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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 67.djvu/460

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consiste à nous identifier nous-même à la vie personnelle attribuée à l’objet. Le processus au contraire est un, et si l’on ramène tout à la vie personnelle d’un individu, il devient tout à fait impossible de faire un effort de projection qui nous conduirait à détacher l’objet esthétique de l’expérience personnelle de l’observateur.

Je puis même, vraiment, aller plus loin. Je suis prêt à soutenir que l’union des facteurs objectifs et subjectifs dans l’imagination esthétique ne laisse subsister aucun dualisme entre l’objet externe et l’expérience esthétique que nous avons de cet objet. C’est précisément un dualisme de ce genre que la vie esthétique ne peut tolérer ; et c’est là ce qui lui donne sa fonction de conciliation, une sorte d’immédiateté supérieure[1].

La « constante dynamique », par conséquent, n’a pas besoin d’une « intellectualisation » ou « imagination » de nature cognitive. Elle est plutôt ce que M. Ribot semble penser : une union ou fusion directe des éléments moteurs en un tout formel et constant, en une « disposition affectivo-conative », comme je l’ai appelée ailleurs (Thought and Things, vol. I, chap. iii, spécialement p. 49 ; trad. franc., Doin, p. 78. Cf. le Dictionary of Philosophy de l’auteur au mot « Disposition »).

IV

La simplicité du processus de la généralisation apparaît lorsqu’on fait porter l’investigation sur un autre point : la corrélation qui existe entre la reconnaissance et l’attention. Il y a quelque temps, dans un ouvrage déjà cité[2], je suis arrivé à cette idée que la reconnaissance provient toujours de la réintégration de processus moteurs, et que ceux-ci impliquent toujours l’attention : car l’attention est elle-même une réaction motrice d’une espèce plus fixe, qui se différencie selon la chose à laquelle elle s’applique. La recon-

  1. C’est là un des principaux points de l’étude de la fonction esthétique conçue comme un mode d’intuition de la « réalité », dans mon livre qui va paraître (Thought and Things, vol. III, « Real Logic ».) L’hypothèse de deux sortes de « réalité », l’une extérieure, l’autre intérieure, fait place à une réalité sentante ou réalisation « realizing », sur le plan plus élevé de la construction imaginative, qui a une parenté avec la simple crédulité, avec les présomptions de l’expérience primitive.
  2. Mental Development, 1re éd. 1895, chap. x, § 3 (trad. fr., F. Alcan, p. 780 à 790).