Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/278

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leurs goûts ou de leurs caprices. Ces vins exquis, qui ne sont produits qu’en très-petite quantité, et ces ouvrages de l’art, qui, par leur excellence ou leur rareté, ont acquis une valeur idéale seront échangés contre des quantités très-différentes des produits du travail ordinaire, selon que la société sera riche ou pauvre, selon que ces produits seront abondants ou rares, et selon qu’elle se trouvera dans un état de barbarie ou de civilisation. La valeur échangeable d’une chose qui est à un prix de monopole n’est donc nulle part réglée par les frais de production.

Les produits immédiats de la terre ne sont pas au prix de monopole ; car le prix courant de l’orge et du blé est aussi bien réglé par les frais que leur production a coûtés, que celui du drap ou de la toile. La seule différence consiste en ce qu’une portion du capital employé en agriculture, c’est-à-dire la portion qui ne paie pas de rente, règle le prix du blé ; tandis que, dans la production des ouvrages manufacturés, chaque portion de capital est employée avec les mêmes résultats ; et comme aucune portion ne paie de loyer, chacune d’elles sert égale­ment de régulateur du prix. D’ailleurs le blé, ainsi que tous les produits agricoles, peut être augmenté en quantité par l’emploi d’un plus gros capital sur la terre, et par conséquent ces denrées ne sauraient jamais être à un prix de monopole. Dans ce cas il y a concurrence parmi les vendeurs ainsi que parmi les acheteurs. Il n’en est pas de même pour ce qui regarde la production de ces vins exquis ou de ces ouvrages précieux des arts dont nous venons de parler ; leur quantité ne saurait être augmentée ; et rien ne met des bornes à leur prix que la fortune et la volonté des acheteurs. La rente de ces vignobles peut augmenter au delà de toute limite raisonnable ; car aucun autre terroir ne pouvant donner de tels vins, aucun ne peut entrer en concurrence.

Le blé et les produits agricoles d’un pays peuvent, à la vérité, se vendre pendant un certain temps à un prix de monopole ; mais cela ne peut avoir de durée que lorsqu’il n’est plus possible d’employer, d’une manière productive, de nouveaux capitaux sur les terres, et que, par conséquent, les produits ne peuvent être augmentés. Alors, toutes les terres cultivées et tous les capitaux employés sur les terres rapporteront une rente qui sera différente selon la différence des produits. Alors aussi, tout impôt qui pourra être mis sur le fermier, tombera sur le propriétaire et non sur le consommateur. Le fermier ne peut élever le prix de son blé ; car, par notre supposition, il est déjà au plus haut prix auquel les acheteurs veuillent ou puissent l’acheter.