Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/117

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der à vue en quelque sorte. La partie est jouée ; le crime est consommé. Ce projet, infernal dans sa conception, fut exécuté d’une façon infernale : son auteur n’a reculé devant rien pour en assurer le plein succès. Cet homme n’était pas capable d’un sentiment humain.

Ainsi que nous l’avons vu, sa sollicitude ne s’est jamais exercée qu’à l’endroit du bétail, dont la conservation lui importait au plus haut point. L’on se souvient des mesures qu’il avait portées afin de ravager le pays et d’en faire un désert, de semer partout le feu et la ruine : les fuyards, s’il y en avait, y trouveraient bientôt la mort. Et ici se pose une question : qu’a fait Lawrence des 120,000 têtes de bétail qui restaient à sa disposition ! Les aurait-il laissées sans gardiens, sans protection, sans en tirer parti, de façon à permettre aux fuyards de pourvoir ainsi à leur propre subsistance à même ces troupeaux, quand il avait au contraire pris tant de précautions pour rendre la contrée inhabitable ? Avec un homme de la perspicacité et de l’astuce de Lawrence, les conclusions sur ce point se tirent d’elles-mêmes. Mais avant d’en venir aux faits principaux de la preuve, voici un nouvel anneau qu’il faut ajouter à la chaîne dont l’ensemble va constituer l’évidence.

Il y avait, à Halifax, un certain Moïse de Les Derniers qui exerçait le métier de marchand colporteur dans les campagnes acadiennes. Ses connaissances de tout ce qui concernait les Acadiens faisaient de lui un instrument précieux aux mains du gouverneur. Dans les derniers jours qui précédèrent la proscription, Lawrence l’avait chargé d’aller de ferme en ferme choisir les plus beaux chevaux qu’il pourrait trouver et de les lui envoyer, sans les payer à leurs propriétaires, bien entendu, vu que tout le bétail des Aca-