Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/27

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s’étendait aux Français qui résidaient dans la province au temps du traité d’Utrecht et à leurs descendants. »

Je suis,
Monsieur,
Votre très-obéissant et humble serviteur,
T. Robinson. »

[1]

  1. Voici donc le fameux document qui a servi de prétexte à nos historiens pour dégager la responsabilité de la métropole dans l’affaire inique de la Déportation des Acadiens, et pour mettre Lawrence et les autorités coloniales en opposition directe avec les intentions du Foreign office. Déjà Rameau (Une colonie féodale… II, XIV. P. 155-6) avait, assez discrètement d’ailleurs, lancé cette idée. Puis Casgrain, dans son Pèlerinage, ch. IV. P. 121 et seq., traduisant et analysant cette lettre à sa façon, l’accompagne de commentaires dont la bienveillance à l’égard de l’Angleterre et de sa politique coloniale en Acadie tourne à l’apologie. Enfin Richard vint qui a basé là-dessus toute sa, thèse, tout le système qui fait la grande faiblesse de son œuvre, à savoir : que la Déportation est l’œuvre de Lawrence et de ses satellites, et qu’elle a été accomplie à l’insu et contre le gré des autorités britanniques. Nous disons que ce système fait la faiblesse de son œuvre : et en effet, outre qu’à-priori une pareille idée semble bien extravagante, pour peu instruit que l’on soit de la manière dont fonctionnait le régime colonial, de la précision, de la minutie et même de la rapidité relative des rapports entre la Métropole et l’Amérique, elle ne résiste pas à l’examen des pièces officielles versées aux archiver, et dont on a pu voir de copieux extraits dans notre tome deuxième. Et, qui plus est, non seulement la présente lettre de Thomas Robinson n’infirme pas les preuves déjà apportées à l’effet que la Grande Bretagne a connu à l’avance le plan de la déportation, et qu’elle en a pleinement approuvé l’exécution, mais nous n’y voyons rien qui fût de nature à détourner Lawrence de son infâme projet, à supposer même que cette dépêche lui fût arrivée à temps. L’on peut d’abord s’étonner, même en prenant cette lettre pour ce qu’elle n’est pas, à savoir une protestation contre la déportation, que le secrétaire d’État l’ait fait entendre si tard et ne soit intervenu qu’à la onzième heure, alors que dès l’année précédente Lawrence s’était pourtant ouvert de son projet dans des dépêches dont le sens était très clair. Aussi bien, de protestation et d’ordre contraire, la lettre de Robinson n’en contient pas l’ombre. Nous l’avons traduite intégralement : la traduction de Casgrain, que Richard a adoptée, omet un membre de phrase, qui a, dans l’espèce, une importance considérable. C’est