Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/295

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L’on peut juger par là de l’étendue du malheur et de l’affliction de ces pauvres infortunés, ainsi repoussés de tous les rivages et ballottés sur la mer, ne sachant où il leur serait possible d’aller souffrir et mourir. Quelle situation lamentable pour de pauvres mères de famille séparées de leurs maris, pour des enfants séparés de leurs parents ! Quelle détresse pour ces pères de famille, jadis cultivateurs à l’aise, vivant paisiblement sur leurs terres, dans leurs villages qu’ils n’avaient jamais quittés, de se voir ainsi jetés au milieu de l’océan, seuls, dénués de tout, loin de leurs femmes et de leurs enfants, par les ordres de Lawrence ou par la mort, entourés d’ennemis, sans avenir et sans espoir ! Si du moins, après ces huit années d’exil, ils eussent retrouvé tous, avec la paix, les restes de leurs familes décimées ! Mais leur vie entière se passa en recherches souvent infructueuses aux Antilles, en Louisiane, sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, au Canada, dans les Provinces Maritimes, etc[1].

    gouvernement français, à la sollicitation de l’abbé Le Loutre, revenu de sa captivité à Jersey, accorda des lopins de terre dans cette lie à 77 familles acadiennes. Tous les chefs de famille furent appelés à déclarer devant les Autorités leur filiation, depuis l’ancêtre fondateur de la souche en Acadie, jusqu’à eux. Ces déclarations, qui forment un manuscrit considérable, offrent de précieux renseignements, et donnent une idée très nette de la mortalité en mer et de la dislocation des familles. »

    Cf. au sujet des familles acadiennea qui s’établirent à Belle-Isle-en-Mer, Canada-Français, Doc. in. II. P. 165 et seq. — C’est 78 familles qui s’établirent en cet endroit ; l’abbé Le Loutre y débarqua le 8 novembre 1765, « bientôt suivi par soixante-dix-huit familles acadiennes que le roi voulait y établir. »

  1. Le MS. original — fol. 783 — porte la note suivante :

    « Mon arrière grand’mère Le Prince, (Rosalie Bourg,) mère de Mgr . Le Prince, avait 5 ans, lors de la déportation. Elle mourût en 1846, à l’âge de 96 ans. Elle se rappelait très nettement le départ de Grand-Pré, l’incendié des