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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/316

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Ceux qui adoptèrent ce dernier parti, en dépit dès difficultés que présentait ce voyage et qu’offrait leur établissement dans un pays qui souffrait de la disette, et des exactions commises par l’Intendant Bigot, furent néanmoins les plus fortunés de toute la population acadienne. Peu de temps après leur arrivée, ils purent se placer sur des terres, et, à force de travail et de persévérance, se reconstituer un patrimoine dans les fertiles domaines de Bécancour, Saint-Jacques l’Achigan, l’Acadie, etc. Leur nombre fut cependant affreusement réduit par la maladie, puisqu’à Québec seulement, cinq cents moururent de la petite vérole peu après leur arrivée.

Parkman, avec sa bonne foi ordinaire, a cherché à faire voir que le sort de ceux qui se réfugièrent au Canada fut de beaucoup le plus misérable. Il raconte que l’Intendant Bigot, pour favoriser un ami, lui confia le soin de nourrir un certain nombre de ces réfugiés à tant par tête, et que ce dernier priva tellement de la nourriture nécessaire ceux dont il avait la charge que plusieurs moururent de faim et de misère ; et là-dessus il se voile la face en s’écriant : Quel pays ! quelles mœurs[1] !

  1. Rétablissons les choses. Parkman (Montcalm and Wolfe, I. VIII. 293,) à propos des Acadiens émigrés à Québec, et y souffrant de la misère, s’appuie d’abord sur le Journal des Ursulines de Québec, puis il fait deux citations du Journal de Bougainville (1756-1758), et la deuxième se lit comme suit : « A citizen of Québec, was in debt to one of the partners of the Great Company (Government officials leagued for plunder.) He had no means of paying. They gave him a great number of Acadians to board and lodge. He starved them with hunger and cold, got out of them what money they had, and paid the extortioner. » Quel pays ! Quelles mœurs ! — Ainsi, ces deux derniers mots, que Parkman aurait prononcés en se voilant la face, ne sont pas de Parkman, mais de Bougainville.