Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le fait particulier qu’il raconte est exact ; mais ce qui ne l’est pas, c’est de généraliser ce cas, et de laisser croire que le sort du grand nombre fut aussi misérable et qu’on fit à tous un tel mauvais accueil. Nous savons, au contraire, à n’en pas douter, que les autorités religieuses et la population entière se portèrent à l’assistance de ces infortunés avec un empressement digne d’éloges. Parkman a cependant raison en ce qui concerne Bigot et ses complices. Pour son malheur, la France traversait l’une de ces périodes où, le patriotisme et les vertus civiques des classes dirigeantes achevant de se tarir, elle glissait vers des humiliations qui allaient la faire déchoir de son rang et fausser ses destinées. Mais la saturnale qui se menait au pied du trône, et qui se répercutait jusque dans l’administration et dans l’armée, n’avait pas encore atteint le corps de la nation ; et, indice consolant, il restait encore dans ce pays un fond d’honneur assez intact pour que Bigot et ses complices aient dû subir un procès retentissant suivi d’une infamante condamnation.

Tout en stigmatisant la conduite de Bigot, ainsi que nous n’hésitons pas à le faire nous-même, [Parkman est inexcusable de mettre en cause tout le peuple canadien. Nous nous sommes bien gardé de faire retomber sur toute la nation anglaise les crimes de Lawrence et de sa séquelle[1] ; ] il eût mieux fait de verser un peu de son indignation sur les horreurs qui se commettaient à Halifax envers tout un peuple ; sur Lawrence qui n’avait agi comme il avait fait qu’en vue de s’enrichir aux dépens du bétail des

  1. Ce membre de phrase entre crochets est à la marge du fol. 809 du MS., et d’une écriture sensiblement différente de celle du texte.