Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/57

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rieure[1]. Lawrence avait eu le temps de faire jouer ses influences ; la guerre, qui existait déjà de fait, allait être ouvertement déclarée ; le cliquetis des armes, les préoccupations causées par une campagne longue et acharnée devaient faire perdre de vue la question ; le fait accompli fut accepté ou subi en liant lieu ; Lawrence était sauvé ou paraissait l’être. Il avait couru de grands risques, et il ne l’ignorait pas ; mais, en joueur habile et audacieux, il avait gagné la partie. Le loup n’est pas toujours tué pour avoir mangé l’agneau !

Toutes ces lettres que nous avons citées sauvent l’honneur du gouvernement[2] anglais de toute responsabilité ante factum dans ce forfait. Elles sont publiées dans le volume des Archives de la Nouvelle-Écosse ; elles ont pu être consultées par tous ceux qui ont écrit sur ce sujet depuis l’année 1869. Comment se fait-il donc que ni Campbell, ni

  1. Les propres mots dont se sont servis les Lords s’opposent à cette interprétation. Quand ils assurent Lawrence que la conduite qu’il a tenue dans toute cette affaire recevra indubitablement l’approbation royale, — we doubt not but that your conduct herin will meet with His Majesty’s approbation, — le sens obvie de cette phrase, aux yeux de tout esprit non prévenu, renferme l’expression d’une opinion favorable à Lawrence, basée sur ce que la Déportation qu’il a opérée était nécessairement indispensable à la sécurité et à la protection de la Province. En d’autres termes, les Lords du Commerce prennent à leur compte les considérants par lesquels Lawrence avait voulu justifier son acte, et ils lui garantissent la sanction de Sa Majesté. Leur lettre d’ailleurs équivalait à une sanction royale, en ce sens qu’en Angleterre, où le roi règne mais ne gouverne pas, l’approbation royale donnée à une œuvre du ministère n’est plus qu’une question de forme.
  2. Le MS. original— fol. 617 — portait d’abord : « ces lettres qui établissent si clairement. » — Ces quatre derniers mots ont dû sembler tout de même à l’auteur un peu forts, puisqu’il les a biffés et les a remplacés par une expression son désir de défendre à tout prix la Métropole s’atténue : « ces lettres sauvent l’honneur du gouvernement… »