Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/68

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qu’il s’y était pris un peu tard pour intervenir en faveur des Acadiens ; du moins y aurait-il eu intervention véritable de la part de son gouvernement, et cette pièce constituerait un argument sérieux à l’appui de la non-complicité de l’Angleterre. Au lieu d’une pareille conclusion, qu’y a-t-il ? Let your intention have been what it will, it is not doubted but that you will have acted upon a strict principle of immédiate and indispensible security to your Goverment… Quelle qu’ait pu être votre intention, il n’est pas douteux que vous n’ayez agi en vous inspirant du principe de salut public ; vous aurez pris pour base de la mesure que vous aurez adoptée, quelle qu’elle ait été d’ailleurs, la nécessité d’assurer la sécurité de votre gouvernement. — La phrase est donc au passé : qu’est-ce à dire ? sinon que Robinson considère que ce drive away the French Inhabitants, sous quelque forme que Lawrence l’ait conçu, est déjà accompli. Et l’on donne ce document comme établissant que l’Angleterre s’est opposée à la Déportation !  ! Tout ce qui inquiétait le Secrétaire d’État, c’était qu’une alarme se répandit dans le camp acadien, qu’une révolte y éclatât, et surtout que, chassés de la Province, ils n’allassent renforcer les colonies françaises avoisinantes. Encore une fois, la question d’humanité n’entre pas en ligne de compte. C’est l’intérêt matériel qui prime tout. Et du moment qu’il saura que Lawrence s’y est pris de façon que non-seulement il n’eût pu y avoir de révolte, pour la bonne raison qu’on aura pris la précaution d’enlever aux habitants leurs armes, et que, sous prétexte de les convoquer pour leur donner communication d’un texte officiel, l’on aura emprisonné les chefs de familles ; du moment que Robinson saura que Lawrence se sera arrangé de façon que la Déportation ait lieu, mais pas à l’avantage des établissements français avoisinants, puisque les Acadiens auront été dispersés parmi les colonies britanniques, et qu’on ne leur aura même pas laissé la liberté de choisir le lieu de leur exil, alors, Sir Thomas Robinson n’aura plus qu’à battre des mains devant tant de prévoyance de la part du gouverneur de la Nouvelle-Écosse et qu’à ratifier sa belle action. Ce qu’il n’a pas manqué de faire, du reste. Cf. lettre du 25 mars 1756. Que si, malgré cette phrase condamnatrice de la dépêche du 13 août, l’on osait encore soutenir que la dite dépêche renfermait le veto du gouvernement au projet de déportation, alors que restait-il à faire au gouvernement à l’égard du téméraire agent qui avait passé outre à l’ordre de ses chefs ? N’était-ce pas de le casser, de le rappeler, de lui faire un procès, de le désavouer ? C’est la pratique constante du pouvoir en pareil cas. Or, cela n’a pas eu lieu pour Lawrence. Au contraire : en récompense, on l’a nommé immédiatement, de Président du Conseil et Lieutenant-Gouverneur qu’il était, gouverneur-en-chef de la Nouvelle-Écosse. Ce fut là un singulier désaveu de sa conduite. Et quand, malgré tout cela, nos historiens persistent à vouloir exonérer la Grande Bretagne, en vérité, ils s’enfoncent dans l’inexplicable et s’abîment dans l’absurde. Il nous a été pénible de constater qu’Édouard Richard avait laissé de côté, dans sa citation de la dépêche de Robinson, la petite phrase en question, où la déportation est considérée comme une chose du passé. Nous