Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/171

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d’obstination et de perversité, parce qu’ils se croyaient en droit de conclure que, n’ayant point d’estime particulière pour aucun homme, mes oppositions ne pouvaient venir que de ces deux causes. à présent que, pour leur ôter cette arme, je leur ai donné lieu de me supposer des sentimens de préférence, ils sont résolus d’en venir promptement à l’exécution de leur systême ; et c’est dans cette intention qu’ils ont appelé au secours une femme vénérable, pour laquelle ils me connaissent un respect qui approche de celui de la nature. Elle a trouvé mon père, ma mère, mon frère, ma sœur, mes deux oncles et ma tante Hervey, qui s’étoient assemblés pour l’attendre. Mon frère a commencé par l’informer de tout ce qui s’est passé depuis la dernière fois qu’on lui a permis de me voir. Il lui a lu les endroits de mes lettres où, suivant leurs interprétations, j’avoue ma préférence pour M Lovelace. Il lui a rendu compte de leurs réponses en substance ; après quoi, il lui a déclaré leurs résolutions. Ma mère a pris la parole après lui. Je vous raconte, mot pour mot, tout ce que j’ai appris de ma bonne Norton. Après lui avoir exposé combien de fois on avait eu l’indulgence d’approuver mes autres refus, combien elle avait employé d’efforts pour me faire consentir à obliger une fois toute la famille, et l’inflexible fermeté de mes résolutions ; ô chère Madame Norton ! Lui a-t-elle dit, auriez-vous jamais cru que ma Clarisse, et votre Clarisse, fût capable d’une opposition si déterminée aux volontés des meilleurs de tous les parens ? Mais voyez ce que vous pouvez obtenir d’elle. L’entreprise est trop avancée pour lui laisser le moindre espoir que nous en puissions revenir. Son père, ne se défiant point de son obéissance, a réglé tous les articles avec M Solmes. Quels articles, Madame Norton ? Quels avantages, et pour elle et pour toute la famille ! En un mot, il dépend d’elle de nous lier tous par de véritables obligations. M Solmes, qui connaît ses excellens principes, et qui espère aujourd’hui par sa patience, ensuite par ses bonnes manières de l’engager d’abord à la reconnaissance, et par degrés à l’amour, est disposé à fermer les yeux sur tout. (fermer les yeux sur tout, ma chère ! Monsieur Solmes fermer les yeux sur tout ! Voilà une étrange expression). Ainsi, Madame Norton, (c’est ma mère qui continue) si vous êtes convaincue que c’est le devoir d’un enfant de se soumettre à l’autorité de ses parens, dans les points les plus essentiels, comme dans les plus légers, je vous prie de tenter quel pouvoir vous aurez sur son esprit. Je n’en ai aucun. Son père et ses oncles n’en ont pas davantage. Cependant son intérêt propre est de nous obliger tous ; car, à cette condition, la terre de son grand-père n’est pas la moitié de ce qu’on se propose de faire pour elle. Si quelqu’un est capable de vaincre tant d’obstination, c’est vous : et j’espère que vous accepterez volontiers cette commission. Madame Norton a demandé s’il lui était permis de faire ses représentations sur les circonstances, avant que de monter à mon appartement. Mon frère s’est hâté de lui répondre qu’on l’avait fait appeler pour faire des représentations à sa sœur, et non à l’assemblée. Et vous pouvez lui dire, Dame Norton, (car il a l’arrogance de ne jamais la nommer autrement) que les choses sont si avancées avec M Solmes, qu’il n’est plus question de reculer : par conséquent, point de représentations, ni de votre part, ni de la sienne.