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Ce qui suit était écrit sur l’enveloppe avec un crayon, à l’occasion de la lettre suivante, que Miss Clarisse trouva en y portant la sienne.

Je trouve votre seconde lettre d’hier. Je remercie beaucoup votre mère des avis obligeans que vous me donnez de sa part. Celle que je vous envoie répondra peut-être à quelque partie de son attente. Vous lui en lirez ce que vous jugerez à propos.



Miss Howe, à Miss Clarisse Harlove.

samedi, 25 de mars. Cette lettre ne sera qu’une suite de ma dernière, de la même date, et je vous l’écris par ordre exprès. Vous avez vu, dans la précédente, l’opinion de ma mère sur le mérite que vous pourriez vous faire, en obligeant vos amis contre votre propre inclination. Notre conférence là-dessus est venue à l’occasion de l’entretien que nous avions eu avec sir Harry Downeton

et ma mère la croit si importante,

qu’elle m’ordonne de vous en écrire le détail. J’obéis d’autant plus volontiers, que j’étais embarrassée, dans ma dernière, à vous donner un conseil, et que non-seulement vous aurez ici le sentiment de ma mère, mais peut-être, dans le sien, celui du public, s’il n’était informé que de ce qu’elle sait, c’est-à-dire, s’il ne l’était pas aussi bien que moi. Ma mère raisonne d’une manière très-peu avantageuse pour toutes les personnes de notre sexe qui se hâtent trop de chercher leur bonheur en épousant un homme de leur choix. Je ne sais comment j’aurais pris ses raisonnemens, si je ne savais qu’ils se rapportent toujours à sa fille, qui, d’un autre côté, ne connaît présentement aucun homme qu’elle honore de la moindre préférence sur un autre, et qui n’estime pas la valeur d’un denier celui dont sa mère a la plus haute idée. à quoi se réduit donc, dit-elle, une affaire qui cause tant de mouvemens ? Est-ce une si grande démarche, dans une jeune personne, de renoncer à ses inclinations pour obliger ses amis ? Fort bien, ma mère, ai-je répondu en moi-même, vous pouvez faire à présent cette question : vous le pouvez à l’ âge de quarante ans. Mais l’auriez-vous faite à dix-huit ? Voilà ce que je voudrais savoir. Ou la jeune personne, a-t-elle continué, est prévenue d’une très-violente inclination qu’elle ne peut surmonter (ce qu’une fille un peu délicate n’avouera jamais) ; ou son humeur est si opiniâtre, qu’elle n’est pas capable de céder ; ou, pour troisième alternative, elle a des parens qu’elle s’embarrasse peu d’obliger. Vous savez, ma chère, que ma mère raisonne quelquefois fort bien, ou du moins, que ce n’est jamais la chaleur qui manque à ses raisonnemens. Il nous arrive souvent de n’être pas d’accord ; et nous avons toutes deux si bonne opinion de notre sentiment, qu’il est fort rare que l’une ait le bonheur de convaincre l’autre ; cas assez commun, je m’imagine, dans toutes les disputes un peu animées. J’ai trop d’esprit , me dit-elle ; en bon anglais, trop de vivacité . Moi, je lui réponds qu’elle est trop sage  ; c’est-à-dire, dans la même langue, qu’elle n’est plus aussi jeune qu’elle l’a été ; ou, dans d’autres termes, qu’étant accoutumée au ton de mère, elle oublie qu’elle a été fille. Delà, nous passons d’un consentement mutuel à