Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/301

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question) que je serais trop généreuse, la générosité étant mon caractère, pour recevoir avec mépris de si… de si… de si véritables preuves de son amour. Il est vrai, monsieur, lui ai-je répondu, que je crois vous voir dans une sorte de confusion ; et j’en tire l’espérance que cette entrevue, quoique forcée, pourra produire des effets plus heureux que je ne me l’étais promis. Il a recommencé à tousser, pour animer un peu son courage. " vous ne sauriez vous imaginer, mademoiselle, qu’il y ait aucun homme assez aveugle sur vos mérites, pour renoncer aisément à l’approbation et au soutien dont il est honoré par votre digne famille, pendant qu’on lui donnera l’espérance que, par sa persévérance et son zèle, il pourra quelque jour obtenir l’avantage de votre faveur… " je ne comprends que trop, monsieur, que c’est sur cette approbation et ce soutien que vous fondez votre espérance. Il serait impossible autrement qu’avec un peu d’égard pour votre propre bonheur, vous fussiez capable de résister aux déclarations que votre intérêt, comme le mien, m’a forcée de vous faire de bouche et par écrit. " il avait vu, m’a-t-il dit, plusieurs exemples de jeunes demoiselles qui, après avoir marqué beaucoup d’aversion, s’étoient laissé engager, les unes par des motifs de compassion, d’autres par la persuasion de leurs amis, à changer de sentimens, et qui, dans la suite, n’en avoient pas été moins heureuses. Il espérait que je daignerais lui faire la même grace ". Quoiqu’il ne soit pas question, monsieur, de compliment dans une occasion de cette importance, je regrette de me voir dans la nécessité de vous parler avec une franchise qui peut vous déplaire. Apprenez donc que ma répugnance est invincible pour vos soins. Je l’ai déclarée avec une fermeté qui est peut-être sans exemple. Mais je crois qu’il est sans exemple aussi, que, dans la situation où je suis née, une jeune personne ait jamais été traitée comme je le suis à votre occasion. " on espère, mademoiselle, que votre consentement pourra s’obtenir avec le tems. Voilà l’espérance. Si l’on se trompe, je serai le plus misérable de tous les hommes ". Vous me permettrez, monsieur, de vous dire que, si quelqu’un doit être misérable, il est plus juste que vous le soyez seul, que de vouloir que je le sois avec vous. " on peut vous avoir fait, mademoiselle, des rapports à mon désavantage : chacun a ses ennemis. Ayez la bonté de me faire connaître ce qu’on vous a dit de moi : j’avouerai mes fautes, et je m’en corrigerai ; ou je saurai vous convaincre qu’on m’a noirci injustement. J’ai su aussi, que vous vous étiez offensée de quelques mots qui me sont échappés, sans y penser peut-être ; mais je suis sûr de n’avoir rien dit qui ne marque le cas que je fais de vous, et la résolution où je suis de persister aussi long-temps que j’aurai de l’espérance ". Vous ne vous trompez pas, monsieur ; j’ai appris quantité de choses qui ne sont point à votre avantage, et je n’ai pas entendu avec plaisir les mots qui vous sont échappés : mais, comme vous ne m’êtes et ne me serez jamais rien, je n’ai pris aucun intérêt aux choses, et les mots m’ont peu touchée. " je