Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/428

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Une mère qui fait l’importante, une fille vive, sensible à l’excès ! Et leur Hickman, qui n’est en vérité rien, une bonne et épaisse machine ! Si je n’avais pas des vues plus relevées… il est malheureux seulement que les deux jeunes personnes eussent leur demeure si près l’une de l’autre, et qu’elles fussent liées d’une si étroite amitié. Qu’il aurait été charmant de pouvoir les ménager toutes deux à la fois ! Mais un seul homme ne saurait avoir toutes les femmes qui valent quelque chose. Conviens que c’est grand dommage néanmoins… lorsque l’homme est tel que ton ami.



M Lovelace au même.

nous ne quittons pas la plume, la belle Clarisse et moi. Jamais deux amans n’eurent tant de goût pour l’écriture ; et jamais il n’y en eut, peut-être, qui aient eu tant d’intérêt à se cacher mutuellement ce qu’ils écrivent. Elle n’a point d’autre occupation. Elle n’en veut point d’autre. Je lui en donnerais de plus agréables, pour peu qu’elle voulût s’y prêter. Mais je ne suis point assez réformé pour un mari. la patience est une vertu, dit Milord M. à pas lents, mais sûrs, est une autre de ses sentences. Si je n’avais pas une bonne dose de cette vertu, je n’aurais pas attendu le temps de la maturité pour l’exécution de mes complots. Ma bien aimée n’a pas manqué, apparemment, d’écrire à son amie tout ce qui s’est passé jusqu’à ce jour entr’elle et moi. Je donnerai peut-être une belle matière à sa plume, si son goût est pour le détail comme le mien. Je ne serais point assez barbare pour permettre à cet oncle Antonin d’irriter la dame Howe contr’elle, si je ne redoutais les conséquences d’un commerce trop libre entre deux jeunes personnes de ce caractère ; l’une si vive, toutes deux si prudentes : qui ne se ferait pas une gloire de l’emporter sur deux filles comme elles, et de les faire tourner autour du doigt ? Ma charmante s’est hâtée d’écrire à sa sœur, pour lui demander ses habits, de l’argent et quelques livres. Dans quel livre apprn quelques livres. Dans quel livre apprendrait-elle quelque chose qu’elle ignore ? C’est de moi qu’elle apprendra mille choses. Elle ferait mieux de m’étudier. Elle peut écrire. Avec tout son orgueil, elle n’en sera pas moins réduite à m’avoir obligation. Miss Howe, à la vérité, ne manquera point d’empressement pour fournir à ses besoins. Mais je doute qu’elle le puisse sans la participation de sa mère, qui est l’avarice même ; et l’agent de mon agent, l’oncle Antonin, a déjà donné quelques avis à la mère qui la tiendront en garde contre les subsides pécuniaires. Si la fille a quelque argent de réserve, je puis faire inspirer à Madame Howe de l’emprunter. Ne blâmes pas, Belford, des ruses qui n’ont que ma générosité pour fondement. Tu me connais. Je donnerais la moitié de mon bien pour le plaisir d’avoir obligé ce que j’aime. Milord M m’en laissera plus que je ne désire. Ma passion n’est pas pour l’or, que je n’estime, au contraire, qu’autant qu’il est utile à mes plaisirs, et qu’il m’assure de l’indépendance. Il a fallu faire entrer dans la tête de ma chère novice, pour mon intérêt comme pour le sien, dans la crainte que ses adresses de lettres ne fîssent