Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/485

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qui dépendront de nous, et pour votre chère moitié et pour vous-même, si vous jouissez du bonheur que nous vous désirons, en attendant que vous soyez parfaitement établis. Je ne dois pas oublier que l’appartement du mercier dans la rue de Cecil, et celui de la veuve, dans la rue de Douvres, peuvent être prêts en avertissant la veille. Ne doutez pas, monsieur et cher ami, du zèle et de l’affection avec lesquels je suis, etc. Tho Doleman. Vous jugerez aisément, ma chère, après avoir lu cette lettre, pour lequel de ces logemens je me suis déterminée. Mais, voulant mettre M Lovelace à l’épreuve, sur un point qui me paraît demander beaucoup de circonspection, j’ai d’abord affecté de préférer celui de la rue de Norfolk, par la raison même qui fait craindre à l’écrivain qu’il ne soit pas de mon goût ; c’est-à-dire parce qu’il est proche de la cité. Je ne vois rien à redouter, lui ai-je dit, dans le voisinage d’une ville aussi bien gouvernée qu’on représente Londres ; et je ne sais même s’il ne serait pas plus à propos de me loger au centre, que dans les faubourgs, dont on ne parle pas si avantageusement. J’ai paru pencher ensuite pour l’appartement de la rue Cecil ; ensuite pour celui du mercier. Mais il ne s’est déclaré pour aucun ; et lorsque je lui ai demandé son sentiment sur celui de la rue de Douvres, il m’a dit qu’il le jugeait le plus commode et le plus convenable à mon goût ; mais qu’osant se flatter que je n’y ferais pas un long séjour, il ne savait pas auquel il devait donner sa voix. Je me suis fixée alors à celui de la veuve ; et sur le champ il a marqué ma résolution à M Doleman, avec des remerciemens de ma part pour ses offres obligeantes. J’ai fait retenir la salle à manger, une chambre de lit, le cabinet (dont je me propose de faire beaucoup d’usage, si je passe quelque tems chez la veuve) et une chambre de domestique. Notre dessein est de partir samedi. La maladie de la pauvre Hannah me dérange beaucoup. Mais, comme dit M Lovelace, je puis m’accommoder avec la veuve pour une femme-de-chambre, jusqu’à ce qu’Hannah soit mieux, ou que j’en trouve une à mon gré ; et vous savez que je n’ai pas besoin d’une grosse suite. M Lovelace m’a donné, de son propre mouvement, cinq guinées pour la pauvre Hannah. Je vous les envoie sous cette enveloppe. Prenez la peine de les lui faire porter, et de lui apprendre de quelle main lui vient ce présent. Il m’a beaucoup obligée par cette petite marque d’attention. En vérité, j’ai meilleure opinion de lui, depuis qu’il m’a proposé de rappeler cette fille. Je viens de recevoir une autre marque de son attention. Il est venu me dire qu’après y avoir pensé mieux, il ne jugeait pas que je dusse partir sans une femme à ma suite, ne fût-ce que pour l’apparence aux yeux de la veuve et de ses deux nièces, qui, suivant le récit de M Doleman, sont dans une situation fort aisée, sur-tout lorsqu’exigeant qu’il me quitte sitôt après notre arrivée, je dois me trouver seule entre des étrangers. Il m’a conseillé de prendre, pour quelque tems, une des deux servantes de Madame Sorlings, ou de lui demander une de ses filles. Si je choisissais le second de ces deux partis, il ne doutait pas, m’a-t-il dit, que l’une ou l’autre des deux jeunes Sorlings n’embrassât volontiers l’occasion de voir un peu les curiosités de la ville, sans compter qu’elle serait plus