Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/58

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probablement par une composition, qui sera de renoncer à l’un et à l’autre.

Jamais homme, dit-il, avec une fortune et des alliances si considérables, n’a obtenu si peu de faveurs d’une femme pour laquelle il ait tant souffert.

Je lui ai demandé, avec ma franchise ordinaire, à qui en est la faute, et je l’en ai fait juge lui-même. Il s’est plaint que votre frère et vos oncles ont des espions à gages, pour observer sa conduite et ses mœurs. Je lui ai répondu que cela était fâcheux pour lui, d’autant plus que, de l’un et de l’autre côté, je ne le croyais pas à l’épreuve des observations ; il a souri, en me disant qu’il était mon serviteur, et qu’il convenait que l’occasion était trop belle pour Miss Howe, qui ne l’avait jamais épargné. Dieu me pardonne ! Ma chère, je suis tentée de croire que ces petits cerveaux veulent employer la ruse contre lui. Ils feraient mieux de prendre garde qu’il ne les paie de leur propre monnoie. Ils ont le cœur plus propre que la tête à ce manège.

Je lui ai demandé s’il s’en estimait beaucoup davantage, d’avoir plus d’habileté qu’eux pour ces belles opérations. Il a changé de discours, et le reste n’a été qu’une profusion des plus parfaits sentimens de respect et d’affection pour vous. L’objet en étant si digne, qui peut douter de la verité de ces protestations ?

Adieu, ma chère, ma noble amie : la généreuse conclusion de votre dernière lettre me donne pour vous plus de tendresse et d’admiration que je ne puis l’exprimer. Quoique j’aie commencé celle-ci par une raillerie impertinente, parce que je sais que vous avez toujours eu de l’indulgence pour mes folles saillies, il n’y a jamais eu de cœur qui ait senti plus vivement la chaleur d’une véritable amitié que celui de votre fidèle, Anne Howe.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

Mercredi, premier mars.

Je prends la plume pour vous expliquer les motifs qui engagent si ardemment mes amis dans les intérêts de M Solmes.

Je n’éclaircirais pas bien cette matière, si je ne retournais un peu sur mes pas, au risque de vous répéter quelques circonstances dont je vous ai déjà informée. Regardez cette lettre, si vous voulez, comme une espèce de supplément à celles du 15 et du 20 janvier dernier. Dans ces deux lettres, dont j’ai conservé des extraits, je vous ai fait une peinture de la haine implacable de mon frère et de ma sœur pour M Lovelace, et des moyens qu’ils avoient employés, de ceux du moins qui étoient venus à ma connaissance, pour le ruiner dans l’estime de mes autres amis. Je vous ai raconté qu’après avoir pris à son égard des manières très-froides, qui ne pouvaient passer néanmoins pour une offense directe, ils s’étoient emportés tout d’un coup à la violence et à des insultes personnelles, qui avoient produit à la fin la malheureuse rencontre que vous savez, entre mon frère et lui.

Il faut vous dire à présent que dans la dernière conversation que j’ai eue avec ma tante, j’ai découvert que cet emportement soudain, de la part de mon frère et de ma sœur, avait une cause plus puissante qu’une