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Histoire

y recevoit la meilleure compagnie du Canton, autant pour suivre la noblesse de son propre cœur, que pour faire honneur à son Mari. Dans l’occasion de faire du bien, c’étoit au nom de Sir Thomas que sa générosité s’exerçoit ; souvent lorsqu’elle avoit été des mois entiers sans le voir, & qu’elle ignoroit le tems de son retour. Elle n’ambitionnoit que le second degré de mérite, quoiqu’elle eût droit au premier. Je ne suis, disoit-elle, que l’Aumonier de Sir Thomas. J’entre dans ses intentions. Ce que je fais, Sir Thomas le feroit s’il étoit ici ; peut-être sa bonté iroit-elle plus loin. Un jour qu’il ne l’avoit quittée que pour six semaines, il fut absent six mois entiers. Son dessein, en partant, n’étoit que de faire un tour à Paris : mais une compagnie de son humeur l’engagea dans de plus longues courses ; & ce qui paroît incroyable, il n’en informa sa femme que par la main d’autrui ; pendant toute son absence, il ne lui écrivit pas un mot de la sienne : cependant, à son retour, il affecta de la surprendre par une apparition subite, avant qu’elle le sût en Angleterre. Insupportable vanité ! il se croyoit si sûr d’une tendresse qu’il ne méritoit pas, qu’il supposa qu’au premier moment le plaisir de le revoir feroit oublier toutes ses duretés. Cependant après les premieres émotions, car elle le reçut avec une joie réelle, il lui demanda si elle pouvoit lui pardonner ? Vous pardonner, Monsieur ! oui,