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la chanson des gueux

On pleure dans le sein des pompiers qui sont doux.
On passe son pourpoint en guise de culotte,
On laisse sa perruque au fond de sa calotte,
On se colle une barbe au front avec orgueil,
Et l’on se met du rouge avec le doigt dans l’œil.

Donc, Messieurs, sur vos fronts n’amassez pas de rides.
Vous qui vîntes ici, sous ces climats torrides,
Soyez bons jusqu’au bout. Que si, sur quelque point
Nous nous sommes trompés un peu, ne riez point.
Que vos bouches, enfin, n’affectent pas des formes
Circonflexes, devant nos sottises énormes.
Et, tenez, nous jouons dans un drame écossais
Et très féroce, avec des costumes français,
Et parmi les splendeurs d’un ex-palais tragique.
Nous donnons un grand bal, qui doit être magique,
Dans un petit jardin de guinguette, avec dix
Ou quinze lampions qui servirent jadis.
Nous avons une pièce en un décor de ville
Qui doit représenter l’espagnole Séville,
Et sur lequel, comme un dos de caméléon,
On voit s’enfler le dôme altier du Panthéon.

Bast ! tout cela n’est rien. Dites-vous que Shakespeare
Se jouait sans décors et n’en était pas pire.
Certes, nous n’avons pas l’outrecuidance, non,
De comparer nos noms obscurs à ce grand nom ;
Mais enfin, si nos vers disent ce qu’il faut dire,
Si nous faisons sonner les sanglots et le rire,
Si notre jeu traduit dans sa naïveté