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les grandes chansons


Pourquoi dire qu’elle est charmante,
Rose en robe de vert satin,
Et rieuse comme une amante,
Et claire, et douce, la catin ?

La voici soûle, échevelée,
Qui griffe, grince, cogne et mord,
Et hurle ainsi qu’une mêlée
Où tout le monde crie : À mort !

Ses vagues sont des langues vertes
Dardant leur bave vers le ciel,
Puis bâillent en gueules ouvertes
Aux babines couleur de fiel.

Ses galets qui roulent sans trêve
Au bord de son gosier béant
Font cataracter sur la grève
Des vomissures de géant.

Ses roches aux dents carnassières
Où s’étripent les matelots
Ont l’air de lubriques sorcières
Retroussant leurs jupons de flots.

Elle, la vieille au regard torve,
Aux crachats d’écume, aux seins mous.
Elle tord, tout gluant de morve,
Son ventre plissé de remous,