Page:Richepin - La Mer, 1894.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
259
les grandes chansons


Et contre les fortes jetées
Aux crampons scellés dans le roc
Vous poussez vos charges heurtées
Dans un irrésistible choc.
Votre corps mou qui se contracte
En paquets faisant cataracte
Forme une masse plus compacte
Que le fer qui se rue en bloc.
Les pierres de ciment couvertes
Voient dans leurs poitrines ouvertes
Entrer d’un coup vos lames vertes
Comme entre dans la terre un soc.

Mais c’est le souffle de l’orage
Qui vous soutient dans ce conflit.
Votre âme obscure, c’est sa rage
Qui la condense et la remplit.
Quand, époumonné, dans l’espace
Il fuit comme un oiseau qui passe,
Le fer de votre carapace
Fluide flasquement mollit,
Et toute la force épandue
Rentre dans la calme étendue
Ainsi qu’une fille rendue
Qui retombe au creux de son lit.

Et de même notre pensée,
Ô flots et peuples vagabonds,
Comme vous veut être lancée
Pour tenter d’impossibles bonds.