Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/246

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Le Nomade ! C’est lui dont les fauves passages
Ont laissé dans mon moi depuis ces jours anciens
Leur marque indélébile à travers tous les âges.
Mes rêves d’aujourd’hui, ce sont toujours les siens.

Oui, oui, je me souviens. J’écoute. Je savoure.
Chantez, chantez plus fort, chantez tous à la fois,
Ô globules ! Battez vos marches de bravoure !
Les voilà, mes aïeux, les voilà ! Je les vois.

Avant les Aryas laboureurs de la terre
Qui la firent germer sous leurs lourdes sueurs
Et qui mirent des Dieux dans le ciel solitaire,
Vivaient les Touraniens nomades et tueurs.

Ils allaient, pillant tout, le temps comme l’espace,
Sans regretter hier, sans penser à demain,
N’estimant rien de bon que le moment qui passe
Et dont on peut jouir quand on l’a dans la main.

Ils allaient, éternels coureurs toujours en fuite,
Insoucieux des morts, ne sachant pas les Dieux,
Et massacraient gaîment pour les manger ensuite
Leurs enfants mal venus et leurs parents trop vieux.