avec ses beaux grands arbres, ses guinguettes, sa brasserie verte ; et de la pépinière où des couples riant se croisaient avec les longues files des petites pensionnaires habillées de gris.
Tout le chapelet des souvenirs s’égrenait ainsi en causeries charmantes, pleines de douce amertume.
Marius, comme toujours, égayait la conversation de ses saillies. Sur chaque chose et sur chacun, sur le boulanger de la rue Vavin, sur le restaurant de la mère Eugène, sur madame Derson elle-même, il savait de bonnes histoires amusantes. Il avait retenu tel mot, tel geste, qui peignaient les personnes d’un trait. Il imitait le parler de l’un, l’allure de l’autre. Il faisait revivre tout ce monde dans sa pantomime.
Jean était moins rapidement expressif. Mais de temps en temps, il trouvait un de ces mots vrais, un de ces accents sincères, qui remplacent tout un discours et qui frappent droit au cœur. Sa nature loyale et bonne se révélait tout à coup, comme un rayon de soleil qui luit à travers la brume.
Jeanne mettait tout son âme à les écouter et à leur répondre.
En même temps, elle trouva en eux des confidents de ses joies et de ses douleurs d’enfance. Elle leur dit bien des choses qu’elle n’avait jamais pu dire à personne : ses premières années si dures, sous la tutelle de la vieille tante avare, qui ne comprenait pas et n’aimait pas les enfants ; sa jeunesse presque étiolée par l’isolement ; le travail assidu toute la semaine ; pas d’amies, pas d’amour ; et, plus tard, ce long voyage