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Page:Rimbaud - La Mer et les poissons, 1870.djvu/21

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LA MER ET LES POISSONS.

Cela constaté, nous demandons par quel équivalent artificiel on remplacera, dans l’organisme du poisson, le fait naturel que l’on y aura supprimé en rompant le lien qui enchaîne la vie régulière de cet animal à celle de la mer ?

On nous répond : « Quand nous songeons que quelques espèces de poissons pondent un million d’œufs par femelle, un million d’œufs dont un petit nombre parvient à être fécondé, nous ne pouvons admettre que l’homme doive rester éternellement inactif devant ce prodigieux gaspillage des ressources de la nature et renoncer pour toujours à y mettre un terme. »

Certainement, la semence de l’eau est prolixement fastueuse, mais celle du sol n’est pas moins surabondante. — Voir la comparaison que nous avons faite de l’une à l’autre dans l’Industrie des eaux salées, page 179. — Si la prodigiosité séminale de la mer avorte en majeure partie, la surabondance des germes nés sur le sol est également sujette à déperdition. Pas plus sur la terre que sous les flots, nous ne disposons de moyens propres à prévenir les déchets que la nature fait elle-même de ses richesses. Ici ou là, nous ne sommes que des spectateurs passifs des intempéries frappant et arrêtant, dans sa première expansion, l’abondance de ferments qui semblaient nous promettre de riches récoltes.

Et quand votre activité est impuissante à empêcher que les fruits de vos champs, si laborieusement cultivés, ne soient ravagés, dans leur floraison, par une tardive bouffée de froid, par une pluie continue ou par une sécheresse prolongée, vous vous flatteriez de l’espoir de soustraire la production des eaux aux causes naturelles d’avortement qui l’atteignent ?

Mais là n’est pas la question ; ce dont il s’agit c’est de savoir si les produit aquatiques sont susceptibles de culture. On affirme qu’ils le sont ou pourront l’être ; nous soutenons, nous, non-