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l’héritage

dormi ; sa montre marquait pourtant quatre heures du matin.

Au dehors la nuit finissante s’achevait sans fraîcheur.

Il chercha dans le ciel et ne trouva point d’étoiles ; et la terre lui parut bizarrement silencieuse. Que faisaient donc les oiseaux qu’ils ne chantaient pas ?

Il restait de la veille un fond de haricots ; il les mangea froids, avec un peu de pain et d’eau.

Au dehors, une aube incertaine pâlissait vers l’est dans des nuages bas. Il fallait faire vite.

Pâtira était couché dans sa niche, près de la porte. Il l’entendit remuer dans son sommeil, hésita, mais ne l’appela point.

Posément, il se rendit vers le hangar puis en ressortit tenant sa hache. Il chercha un moment, descendit vers le champ, se trouva parmi les plants de tabac ; non ce n’était pas cela !

Il remonta vers le ruisseau, là où se trouvait une baisseur où l’ombre avait gardé verts les arbustes.

Il siffla doucement ; un aboiement lui répondit.

Quand Pâtira, accouru au grand galop, fut arrivé près de lui, sans un mot, sans une caresse, d’un coup de hache il l’abattit. Puis il se mit à creuser un trou peu profond. Il ne pleurait pas ; mais il serrait un peu les lèvres. La hache, il la jeta au loin, de toutes ses forces.

Il rentra à la maison, saisit son baluchon et partit sur la route, dans la lumière mate de l’aurore.


✽ ✽

Et voici que, quelques maisons plus loin, une ombre se détacha d’un groupe de sapins. La Poune avait dû le voir venir de sa fenêtre du grenier qui justement