Page:Riotor - Le Mannequin, 1900.djvu/18

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— Ah ! certes, je vous en prie, allons visiter ces élastiques indolentes ! Je ne croirai qu’après avoir vu. Je vous assure.

En quelques minutes, nous étions chez la marchande de Mannequins d’amour. — Une grande salle où nous fûmes introduits était remplie d’ingénieux modèles de courtisanes transatlantiques dont les prix variaient selon les perfectionnements et les rouages intérieurs qu’on nous expliqua par le menu détail.

Presque tous étaient confectionnés de caoutchouc rose et creux ; d’aucuns, revêtus d’un épiderme de satin jouant assez bien la peau ; on sentait le moulage sur nature ; la poitrine, la chute des reins, les renflements des hanches étaient parfaits ; les mollets emprisonnés dans des bas de soie noire maintenus par des jarretières éclatantes, le corps voilé d’une chemise de batiste ornée de festons et de dentelles et savamment échancrée pour laisser voir la fleur de pêcher des boutons érectiles des seins ; les têtes très bébés jumeaux avec des yeux d’émail sur lesquels tombait le store des paupières, frangées de longs cils, des lèvres voluptueuses, teintées d’incarnat, ointes de pommade au raisin, s’ouvrant sur des balustrades dentaires d’un ivoire éclatant. Quant aux chevelures, de véritables crinières noires ou rousses ainsi que toutes les blondeurs répandues sur les épaules et les oreillers, montrant toutefois des joliesses de nuque et de fines oreilles écouteuses et tombeaux de secrets.

La bonne Mme Van der Mys nous expliqua les mystères de son Sérail d’Èves futures. Elle nous fit jouer le mécanisme des ventres, les ressorts donnant aux bras les élans de tendresse ; elle nous montra comment sur l’appui des baisers aux lèvres, certains mannequins de