Page:Riotor - Le Mannequin, 1900.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de Vaucanson, et quelquefois du directeur qui, de contentement, se frottait les mains à s’en arracher l’épiderme. II faut croire que la petite fantaisie du prince de Ligne lui rapportait une somme assez ronde.

La pièce à succès de la saison se nommait Lysée et Melisande'. Au deuxième acte, le décor représentait une grotte que rendait’à demi-obscure une gaze verte simulant une chute d’eau. Des reflets lumineux et changeants, projetés de la coulisse, aidaient à l’illusion. Le trompe-l’æil était fort bien réussi. Les ondines ; dont cette grotte était la demeure, apparaissaient une à une, attendant leur reine. La première danse était assez confuse. Tout à coup, dans un rayon orangé ou violet qui en faisait un personnage irréel, surgissait Lili, et toutes s’écartaient. Toujours enveloppée du même manteau de clarté, sans aucune des apparences de la vie, elle se mouvait, réalisant d’autant mieux sous ces couleurs étranges son personnage de fiction. Nul ne reconnaissait d’abord l’italienne brune et provocante qu’on rencontrait au foyer, caquetant avec les vieux habitués… Vaucanson avait calculé tout cela.

Pourtant Lili se moquait de lui et de son joujou, qui, pensait-elle, se casserait au premier mouvement. D’ailleurs, dans son orgueil indifférent, elle ignorait quels étaient exactement les projets du mécanicien. Verraient-ils seulement