Page:Riotor - Le Mannequin, 1900.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Dans l’immense salon blanc et or, où feu la duchesse avait tenu jadis ses assises mondaines, il faisait allumer les bougies des lustres, des candélabres et des appliques, et se renfermait, sans crainte des yeux indiscrets de sa domesticité, les portes et les contrevents soigneusement clos, les rideaux tirés… Seul, il allait ouvrir une massive armoire qui garnissait le fond de la pièce, et cela avec de telles précautions, sur la pointe des pieds, et une tendresse si jalouse, qu’on eut pensé en le voyant à sa crainte de détruire quelque verrerie fragile. Les deux battants écartés laissaient apercevoir sur un fond de dorures et de glaces, à travers une gaze transparente, la représentation gracieuse et quasi-vivante de cette Lili Scotti, cette ballerine qui avait fait courir Paris aux représentations des Bouffes Italiens. Elle souriait, inclinait gracieusement la tête, saluant son seigneur et maître. À ses oreilles de cire brillaient les deux diamants offerts par le duc et qu’il avait attachés de sa main.

Les mouvements de Lili devenaient plus vifs, plus pressés. Elle avançait par petits pas rapides, dans cet espace de quelques mètres carrés, repliant ses bras dans un geste charmant, se cambrant, se renversant, se dressant sur ses pointes et tournoyant sur elle-même avec d’adorables balancements de bras.