Page:Riotor - Le Mannequin, 1900.djvu/77

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Le vieillard la regardait dans une sorte d’extase, suivant de l’œil chacun de ses mouvements.

Le charme qui l’envahissait le transportait hors du monde réel et il n’existait plus rien pour lui qu’une sorte de ciel vague où flottaient, dans des ombres de rêve, des ballerines angéliques. Ce songe, très doux, se prolongeait souvent fort avant dans la nuit, alors que Lili, depuis longtemps immobile dans son armoire féerique, contemplait son maître de ses deux grands yeux fixes.

Chaque soir ramenait pour ce rêveur la même extase. Le vieux gentilhomme se grisait des mouvements lents et souples de cette poupée, qui dansait pour lui seul, et qui ne se fatiguait pas de son admiration. Combien s’écoulaient vite ces trop rapides heures de patiente adoration. Il s’y retrempait ainsi qu’en un bain de jeunesse. Et cette étrange sorcellerie créait pour lui une existence nouvelle, toute de patience, de tendresse, d’affection. Il sentait que sa vie, prête à fuir, se ranimait à cette naïve illusion. Jamais petite fille aima-t-elle autant sa poupée ?…

Il revenait chaque jour, chaque instant, se confondre en cette puérile compagnie. Son aberration était comme ces poisons lents qui envahissent l’organisme tout entier, et dont le malade éprouve une étrange jouissance à sans cesse augmenter la dose. Il l’avait toujours présente devant les yeux, il en rêvait maintenant, de sa Lili, il en perdait le boire et le manger. Il