Vous ne connaissez pas la volupté suprême
De dormir sans remords ; vous mangez les chevreuils,
Tandis que je partage à tous les écureuils
Mes feuilles et mes fruits ; vous haïssez, moi j’aime :
Tout est dans ces deux mots. Soyez bien convaincu
De cette vérité que je tiens de mon père :
Lorsque notre bonheur nous vient de la vertu,
La gaîté vient bientôt de notre caractère. »
LE LION ET LE MOUCHERON
« Va-t’en, chétif insecte, excrément de la terre. »
C’est en ces mots que le Lion
Parlait un jour au Moucheron.
L’autre lui déclara la guerre.
« Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi
Me fasse peur ni me soucie ?
Un bœuf est plus puissant que toi :
Je le mène à ma fantaisie. »
À peine il achevait ces mots,
Que lui-même il sonna la charge,
Fut le trompette et le héros.
Dans l’abord il se met au large,
Puis prend son temps, fond sur le cou
Du Lion, qu’il rend presque fou.
Le quadrupède écume, et son œil étincelle ;
Il rugit : on se cache, on tremble à l’environ,
Et cette alarme universelle
Est l’ouvrage d’un Moucheron.
Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle,
Tantôt pique l’échine et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée.
L’invisible ennemi triomphe, et rit de voir