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MORCEAUX CHOISIS

Mêlant dans un coffret une foule de choses,
Le jongleur dit ensuite un mot sacramentel ;
Et ce mot pouvait tout, jusqu’aux métamorphoses.
Car le coffret, ouvert, n’était plein que de roses
Dont il alla joncher les marches de l’autel.

Pour terminer, il prit quelques boules de cuivre ;
Et l’on vit, par ses mains à peine en mouvement,
Des sphères, sur un orbe idéal et charmant
Où l’œil émerveillé se perdait à les suivre,
Passer et repasser, inépuisablement ;

Et les globes légers piqués d’une étincelle,
En ce jaillissement alternatif et prompt,
Lui faisaient une gloire, assez pareille à celle
Qui, là-haut, égrenée en couronne immortelle,
De neuf étoiles d’or nimbait un autre front !

« Autre chose ! dit-il. Peut-être êtes-vous lasse,
Et si j’en faisais trop, je serais dans mon tort.
Donc, j’écarte la table et tout le passe-passe :
Pour ce qui va venir il faut beaucoup d’espace,
Et nous allons marcher de plus fort en plus fort ! »

De plus fort en plus fort ! — sans aucune arrogance
Il en parlait, vraiment ; car ce qui vint, ce fut
Un travail de haut style et d’exquise élégance,
Et d’une fantaisie et d’une extravagance
À faire se trahir les moines à l’affût :

Il marcha sur les mains, il se tint sur la tête,
En équilibre et dans un aplomb merveilleux.
Fit la roue, et, traçant une courbe parfaite,
Vint retomber debout sous les regards en fête,
Après un saut de carpe et trois sauts périlleux !

Un temps. — Puis, en silence, et d’un air de mystère,
L’homme, avec des lenteurs de reptile ondoyant.
Se coucha, cette fois, tout de son long par terre ;
Et le spectacle alors changea de caractère,
De joyeux qu’il était, il devint effrayant !