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MORCEAUX CHOISIS

Ils virent le petit enfant
Déjà, le trépas de son aile
Enveloppait sa tête frêle.
« Qui donc es-tu, pauvre petit,
Toi, tombé d’une mort si fière ? »
L’enfant souleva sa paupière :
« Je suis Français, je vous l’ai dit ! »

Leclère.


LE POÈTE ET LES PAPILLONS


— Papillons, ô papillons, restez au ras des sillons. Tout au plus courez la brande. C’est assez pour vos ébats. Qu’allez-vous faire là-bas, tout petits sur la mer grande ?

— Laisse-nous, décourageux ! Il faut bien voir d’autres jeux que ceux dont on a coutume. Quand on est lassé du miel, ne sais-tu pas que le fiel est doux par son amertume ?

— Mais des fleurs pour vos repas, là-bas, vous n’en aurez pas. On n’en trouve que sur terre. Pauvres petits malheureux, vous mourrez, le ventre creux, sur l’eau nue et solitaire.

— Ô l’ennuyeux raisonneur, qui met sur notre bonheur l’éteignoir d’avis moroses ? Ne vois-tu pas que ces prés liquides sont diaprés de lis, d’œillets et de roses ?

— Papillons, vous êtes fous. Ces fleurs-là, m’entendez-vous, ce sont les vagues amères, où les rayons miroitants font éclore le printemps dans un jardin de chimères.

— Qu’importe, si nous croyons aux fleurs de qui ces rayons dorent la belle imposture ! Dût-on ne point les saisir, n’est-ce pas encor plaisir, que d’en risquer l’aventure ?

— Allez, vous avez raison. Comme vous, à l’horizon mes vœux portent leur offrande. Poètes et papillons, partons en gais tourbillons, tout petits sur la mer grande !

Jean Richepin.