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Page:Rivard - Monseigneur de Laval, 1891.djvu/13

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grand sacrifice. Son âme ardente n’est pas satisfaite ; il lui faut encore des croix, toujours des croix pour souffrir et pour aimer. Car, pour lui, c’est un bonheur

Qui marche à pas coque la nature humaine,
Qui marche à pas comptés vers une fin certaine,
Doive encor s’y traîner en portant une croix,
Et qu’il faille ici-bas mourir plus d’une fois.

Il lui reste à prononcer un mot qui est un glaive dans la poitrine, et qui

Un mot dans la douleur conçubrise l’âme ;
Un mot dans la douleur conçu
Qui se grave en sillons de flamme
Au fond du cœur qui l’a reçu
Il reste au missionnaire à dire : Adieu !

« Comprends-tu », demandait à Lamartine le trop célèbre poète, qui sur son lit de mort disait que le seul bien qui lui restait au monde était d’avoir quelquefois pleuré,

Comprends-tu que l’on parte et qu’on se dise adieu ?
Comprends-tu que ce mot, la main puisse l’écrire,
Et le cœur le signer, et les lèvres le dire ?

Messieurs, ce mot de séparation suprême, celui-là seul le comprendra, qui a aimé de toute la puissance de son âme, qui l’a entendu d’une bouche amie, dont les yeux ont versé de ces larmes qui tombent, rosée amère, sur les fleurs fanées de l’absence, et dont le cœur a gémi en apprenant que là-bas, à des milliers de lieues de la patrie, l’exilé n’avait pas une bouchée de pain pour se soutenir, ni une pierre où reposer sa tête.