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Mais, pendant son séjour ici, que de fois, au cours des voyages qu’il entreprenait lui-même pour la conversion des indigènes et parmi des peuplades sauvages qui ne lui rendaient guère charité pour charité, que de fois il dut se reporter en esprit à cet antique foyer de ses aïeux, où sa mère pleurait peut-être encore dans sa vieillesse au souvenir de son fils, où ses amis réunis à sa famille parlaient de l’exilé du Canada ! Son cœur dut saigner à ces souvenirs. Mais son amour, il le versait dans le sein de ses brebis ; ses douleurs, il les offrait à Dieu ; ses souvenirs, il les noyait dans ses espérances.

L’adieu à la patrie fut encore un coup bien rude pour le grand missionnaire.

Ceux-là seuls aussi qui ont vu les rivages de leur pays disparaître dans les brumes de l’horizon et le soleil se coucher sur une terre étrangère, savent ce qu’il en coûte pour briser ce lien commun, qui unit tous les compatriotes en les attachant à un même sol.

En ce siècle de scepticisme où le doute pénètre dans tous les esprits, il n’a pas manqué d’hommes qui ont dit que l’amour du pays est une chimère et la patrie un mythe. Mais ceux-là n’ont rien qui batte en leur poitrine, et rien qui pense en leur cerveau. La patrie est un être réel ; elle a du sang qui coule, des membres qui agissent, une tête qui pense et un cœur qui bat ;