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naire se fortifiait de l’autorité de l’évêque, et l’évêque s’inspirait du zèle du missionnaire.

Or, qu’est-ce qu’un missionnaire ?

C’est un homme qui sait mourir.

Sa vie est une mort de chaque instant. Il meurt aux biens du monde ; il meurt aux affections ; il meurt à lui-même.

Voilà le triple sacrifice qu’offrit généreusement ce missionnaire, notre premier évêque.


I


À peine âgé de quinze ans, le fils des de Laval vit s’ouvrir devant ses pas une carrière comme il est permis à bien peu d’en désirer. Lorsque ses deux frères aînés furent tombés sur les champs de bataille de Fribourg et de Nordlingen, on vint le prier d’abandonner le canonicat que son oncle, l’évêque d’Évreux, lui avait donné, de se mettre à la tête de sa famille et de la fortune de ses pères. Tous les plaisirs que peuvent procurer les richesses étaient dans sa main, et la coupe à la portée de sa lèvre. Certes, la tentation était forte, et d’autant plus séduisante que le jeune de Laval était dans cet âge encore tendre, où l’espérance colore tant de beaux rêves, où l’on ne sait pas que le pain de ce monde est amer, où le cœur ne s’est pas encore instruit aux tristes leçons du passé, où la vie déborde, prête à s’aventurer sans boussole sur cet océan dont les vagues, soulevées par l’angois-