Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/37

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rapprocher : mais la France, sous sa zône tempérée[1], changeante dans ses manieres e& ne pouvant se fixer elle-même, parvient pourtant à fixer tous les goûts. Les Peuples du nord viennent y chercher & trouver l’homme du midi, et les Peuples du midi y cherchent & y trouvent l’homme du nord. Plas mi Cavalier Francès, c’est le Chevalier Français qui me plaît, disoit, il y a huit cens ans, ce Frédéric I qui avoit vu toute l’Europe & qui étoit notre ennemi. Que devient maintenant le reproche si souvent fait au Français, qu’il n’a pas le caractère de l’Anglais ? Ne voudroit-on pas aussi qu’il parlât la même Langue ? La nature en lui donnant la douceur d’un climat, ne pouvoit lui donner la rudesse d’un autre : elle l’a fait l’homme de toutes les Nations, & son Gouvernement ne s’oppose point au vœu de la nature.

J’avois d’abord établi que la parole & la pensée, le génie des Langues & le caractère des Peuples, se suivoient d’un même pas : je dois dire aussi que les Langues se mêlent entr’elles comme les Peuples ; qu’après avoir été obscures comme eux, elles s’élevent & s’ennoblissent avec eux : une Langue pauvre ne fut jamais celle d’un Peuple riche. Mais si les Langues sont comme les Nations, il est encore très-vrai que les mots sont

  1. Il est certain que c’est sous la zône tempérée que l’homme a toujours atteint son plus haut degré de perfection.