Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vit chaque État se placer à son rang. L’Angleterre brilla pour un moment de l’éclat d’Elisabeth et de Cromwell, et ne sortit pas du pédantisme : l’Espagne épuisée ne put cacher sa foiblesse ; mais la France montra toute sa force, et les Lettres commencèrent sa gloire.

Si Ronsard avoit bâti des chaumieres avec des tronçons de colonnes Grecques, Malherbe éleva le premier des monuments Nationaux. Richelieu qui affectoit toutes les grandeurs, abaissoit d’une main la maison d’Autriche, & de l’autre attiroit à lui le jeune Corneille, en l’honorant de sa jalousie. Il fondoit avec lui ce Théâtre, où son Collègue régna seul. Pressentant les accroissemens & l’empire de la Langue, il lui créait un Tribunal, afin de devenir par elle le Législateur des Nations. À cette époque, une foule de génies vigoureux entrèrent à la fois dans la Langue Française, & lui firent parcourir rapidement tous ses périodes, de Voiture jusqu’à Pascal, et de Racan jusqu’à Boileau.

Cependant l’Angleterre, échappée à l’anarchie, avait repris ses premières formes, et Charles II était paisiblement assis sur un trône teint du sang de son père. Shakespeare avait paru, mais son nom et sa gloire ne devaient passer les