Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/57

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qu’il faudrait lui léguer, afin de lui donner de notre espèce humaine une idée plus heureuse. À richesse égale, il faut que la séche raison céde le pas à la raison ornée.

Ce n’est point l’aveugle amour de la Patrie ni le préjugé national qui m’ont conduit dans ce rapprochement des deux Peuples ; c’est la nature & l’évidence des faits. Eh ! quelle est la Nation qui loue plus franchement que nous ? N’est-ce pas la France qui a tiré la Littérature Anglaise du fond de son Isle ? N’est-ce pas Voltaire qui a présenté Loke & Newton à l’Europe ? Nous sommes les seuls qui imitions les Anglais ; & quand nous sommes las de notre goût, nous y mêlons leurs caprices : nous faisons entrer un meuble, un habit à l’Anglaise dans l’immense tourbillon des nôtres, comme une mode possible ; & le monde l’adopte, au sortir de nos mains. Il n’en est pas ainsi de l’Angleterre : quand les Peuples du nord ont aimé la Nation Française, imité ses manieres, exalté ses ouvrages, les Anglais se sont tûs ; & ce concert de toutes les voix n’a été troublé que par leur silence.

Il me reste à prouver que si la Langue Française a conquis l’empire par ses livres, par l’humeur & par l’heureuse position du Peuple