Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais sans attendre l’effort des siecles, cette Langue ne peut-elle pas se corrompre ? Une telle question ménerait trop loin : il faut seulement soumettre la Langue Française au principe commun à toutes les Langues.

Le langage est la peinture de nos idées, qui à leur tour sont des images plus ou moins étendues de quelques parties de la nature. Comme il existe deux mondes pour chaque homme en particulier, l’un hors de lui, qui est le monde physique, & l’autre, qui est le monde moral ou intellectuel qu’il porte dans soi ; il y a aussi deux styles dans le langage, le naturel & le figuré. Le premier exprime ce qui se passe hors de nous, par des causes physiques ; il compose le fond des Langues, s’étend par l’expérience, et peut être aussi grand que la nature. Le second exprime ce qui se passe dans nous & hors de nous ; mais c’est l’imagination qui le compose des emprunts qu’elle fait au premier. Le soleil brûle ; le marbre est froid ; l’homme désire la gloire ; voilà le langage propre, ou naturel. Le cœur brûle de désir ; la crainte le glace ; la terre demande la pluie : voilà le style figuré, qui n’est que le simulacre de l’autre & qui double ainsi la richesse des Lan-