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« C’est un pas bien glissant, qui meine aisément aux façons de faire du vulgaire… outre qu’il y a danger que pour ce faire, n’usions de sales paroles. Si nous nous trouvons en lieu où l’on en use. en nous refrognant », montrons « que nous n’y prenons pas plaisir » (chap. 47). Mais c’est l’orateur qui sait le mieux revêtir d’une forme originale le Manuel, lorsque la phrase se prête au mouvement oratoire. Relisons ce passage du Manuel, par exemple, où Épictète, s’adressant son disciple, le presse de questions « Mais mes amis ne tireront aucun secours de moy Qu’entendez-vous par là ? (reprend Épictète), vous ne les aiderez point d’argent, vous ne leur donnerez point le droit de bourgeoisie Romaine. Et qui est-ce qui vous a dit que cela dépendoit de vostre fait, et non pas de celuy d’autruy ? Qui est-ce qui peut bailler à un autre ce qu’il n’a pas.luy-mesme ? Acquérez des’moyens, disent-ils, afin que nous y participions. S’il y a moyen d’en acquérir en me conservant modeste, fidele et courageux, monstrez-moy comme il faut faire, et j’en acquerray que si vous estimez que je doive perdre le bien qui m’est propre, afin que vous obteniez ce qui n’est point vrayement bien, considérez combien vous estes desraisonnables et ingrats. M (chap. 27). Quelle vigueur, quel mouvement ! Il est vrai qu’Épictète en avait donné l’exemple, mais encore fallait-il le rendre dans notre langue et sans en rien perdre. Du Vair ne craint point la répétition des mêmes mots, du même tour, lorsqu’il veut donner plus de force au précepte « Si vous pensez que ce soit son bien, dit-il au chapitre 28, vous vous devez resjouir de ce qu’il luy est arrivé. Si vous pensez que ce soit son mal, vous ne devez pas vous plaindre, qu’il ne vous soit pas advenu. » D’autres fois, c’est la phrase coupée en propositions de même construction, qui lui donne le mouvement oratoire. « Pourquoy, dit-il, encore de ce même chapitre, aura autant celuy qui ne veut point attendre à la porte d’un Monsieur, que celuy qui n’en bouge, celuy qui ne l’accompagne point, que celuy qui le suit partout ; celuy qui ne le-loüe point, que celui qui le flatte ? »

Avec Du Vair, Épictète. s’installe dans notre littérature ; il est définitivement habillé à la française, puisqu’il bénéficie de ce