Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
215
les mendiants de la mort

Les anciens compagnons du défunt sortirent donc de la prison pour attendre le soir.

Les apprêts nécessaires à l’humble convoi les retardèrent même au delà du temps indiqué, et il était plus de onze heures lorsqu’ils purent revenir à la Force.

Ils traversèrent les longs corridors, accompagnés de deux hommes qui portaient un cercueil et de quelques employés de la prison. C’étaient les lumières et les pas de ce petit rassemblement qui, venant tout à coup frapper Herman et Gauthier dans leur fuite, leur avaient, causé un effroi cruel, mais heureusement vain.

Après quelques prières prononcées par l’aumônier de la prison sur le corps du défunt, les personnes chargées de ce triste dépôt le firent emporter.

Robinette en ce moment pensait au serment qu’elle s’était fait à elle-même devant les murs de cette prison. Quand elle projetait de faire évader Pasqual de la Force, elle s’était dit solennellement : « Lorsqu’il repassera le seuil de cette porte, ce ne sera qu’avec moi ! Et ce serment d’enfant se trouvait bizarrement et tristement rempli.

Gauthier et Herman, de l’endroit où ils s’efforçaient de se tenir dérobés, virent donc, comme nous le disions, des lumières apparaître au portail qui venait de s’ouvrir. Entre la clarté des flambeaux passa un cercueil voilé de noir, puis un petit nombre de personnes qui le suivaient.

Ce convoi ne pouvait être que celui du prisonnier dont le suicide avait terminé les jours.

Herman mit la main sur son cœur, qui battait à se rompre, et se dit en lui-même.

— Adieu, Pierre Augeville… pardonne-moi… je te pardonne de toute mon âme !

Après le cercueil venaient lentement les trois amis qui accompagnaient les restes de Pierre Augeville. Une fille, qui l’avait bien aimé, un brave et noble enfant qui tondait de toutes ses forces vers une existence laborieuse et pure, un pauvre aveugle qui, dans sa vieillesse, mendiait au milieu d’éternelles ténèbres, et allait bientôt mourir de misère.

C’était bien là le cortège naturel de cet homme du peuple, né pour les simples vertus, et brisé dès son entrée dans l’existence par la faute des grands.

Le portail de la prison se referma. Le convoi se dirigea à gauche de la rue, vers une longue voiture disposée à recevoir le cercueil et ceux qui l’accompagnaient.