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les mendiants de la mort

nier obstacle, et, d’un pas rapide dissimulé par le tapis des degrés, il pénétra jusqu’à la chambre de Valentine.


VIII

invasion nocturne.

Herman, qui était entré dans la sainte et imposante retraite de Valentine avec une crainte extrême, se rassura en voyant que la jeune femme, plongée sans doute dans un sommeil assez profond, n’avait fait aucun mouvement… Grâce à ce bienheureux sommeil, il pouvait donc rester quelques instants près d’elle, la voir, la contempler avec impunité.

Valentine lui semblait belle maintenant !… belle à ne pouvoir lasser ses yeux de la regarder !… Il la voyait à travers une admiration légitime, fondée sur le culte de la vertu, à travers le prestige d’un amour idolâtre.

Autour d’elle, il rencontrait cette demeure solitaire, délâbrée qui montrait le renoncement de toute chose dans lequel elle était tombée en perdant son amour et le deuil éternel qu’elle en voulait porter.

Il s’assit humblement sur le coussin qui soutenait les pieds de la jeune femme, son attitude était calme et caressante, son cœur ardent et agité. Il effleura doucement de ses lèvres une main qui se baissait vers lui, en tenant encore un livre ouvert ; puis, tour à tour, il regarda Valentine et lui parla à voix basse, dans un murmure faible et frémissant comme un soupir de tendresse. Le mot qui revenait le plus souvent sur sa bouche était celui du pardon.

— Pardonne-moi, disait-il, si je ne t’ai pas connue plus tôt ; j’étais aveugle, insensé… j’étais surtout faible et trompé… On m’avait toujours montré le désordre de la vie, l’ivresse des plaisirs comme le souverain bien, je le croyais… Mon Dieu ! tu ne m’aurais pas moins aimé si j’avais reçu de la nature des traits plus irréguliers, plus défectueux ; était-ce donc ma faute si mon âme imparfaite n’avait pas cette trempe divine qui l’empreint de raison, de force et de lumière ? Ce qui est erreur ou crime pour les autres n’a été pour moi peut-être que fatalité… Du moins il n’y avait rien dans cette âme de bas et d’indigne, car je n’ai pas profané l’amour, car avant de te connaître je n’ai jamais aimé… Tu crois que je t’ai préféré d’autres femmes… c’est affreux à penser. Non, non, jamais près