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Page:Robert Brasillach - Le Procès de Jeanne d'Arc (1941).djvu/20

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amplificateurs de Cicéron. Auprès de cet éclat tremblant et fier, seules peuvent prendre place les strophes rayonnantes ou ténébreuses d’un saint Jean de la Croix, les recherches les plus fines d’une sainte Thérèse, le plus pur des cantiques de saint François d’Assise. Encore Jeanne seule a-t-elle ce clair génie inimitable, qui est celui de sa race, la beauté naïve des chansons où l’on parle de marjolaine, le rire et l’ironie qu’elle n’abandonne pas jusqu’au seuil de la mort et de la transfiguration, et surtout ce que Michelet, dans un de ses jours de bonheur, a si admirablement défini comme le bon sens dans l’exaltation.

On nous a trop appris qu’il y avait des qualités contradictoires, que le bon sens ne se pouvait marier avec l’exaltation, non plus que la clarté avec le mysticisme. On nous a trop proposé, et quelquefois de mains qui se voulaient orthodoxes, d’obscures prières fort peu orthodoxes. Trop d’exégètes sont venus jeter des ombres sur les mystères : mais le mystère en pleine lumière a été réalisé au moins une fois, et c’est ce miracle du grand jour qui, malgré la dévotion que les docteurs ont organisée autour de Jeanne, reste encore inconnu dans sa magnificence authentique pour presque tout le monde. Ce livre non écrit, ce livre hors de la littérature, il faut en effet en saluer tout d’abord, à côté de vertus plus fécondes, la beauté : personne n’a plus naturellement parlé que Jeanne ce qu’Alain Fournier appelait après Laforgue du français de Christ.

Des analogies mystérieuses joignent en effet la moindre des paroles de l’enfant, dans leur simplicité riche d’un monde surnaturel, aux paraboles que prononçait son Maître en Palestine, quatorze siècles avant sa naissance. Ce n’est pas la première fois qu’on rapproche Jeanne de Jésus, en s’excusant aussitôt d’oser la comparaison.