Page:Robert Brasillach - Le Procès de Jeanne d'Arc (1941).djvu/51

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vous grande intention de persécuter les Bourguignons ?

Jeanne. — J’avais grande volonté et grand désir que le Roi eût son royaume.

Jean Beaupère. — Eussiez-vous bien voulu être homme quand vous sûtes que vous deviez venir en France ?

Jeanne. — Ailleurs j’ai répondu à cela.

Jean Beaupère. — Meniez-vous point les bêtes aux champs ?

Jeanne. — Ailleurs j’ai répondu à cela. Depuis que j’ai été grande et que j’ai eu entendement, je n’avais pas coutume de garder les bêtes, mais j’aidais bien à les conduire aux prés, en un château nommé l’Ile, par crainte des gens d’armes. Mais je n’ai pas mémoire si, dans mon jeune âge, je les gardais ou non.

Jean Beaupère. — Avez-vous gardé mémoire de certain arbre existant près de votre village ?

Jeanne. — Assez proche de Domrémy, il y a certain arbre qui s’appelle l’Arbre des Dames, et d’autres l’appellent l’Arbre des Fées. Auprès il y a une fontaine. Et j’ai ouï dire que les gens malades de fièvre boivent de cette fontaine ; et vont quérir de son eau pour recouvrer la santé. Et cela, je l’ai vu moi-même : mais ne sais s’ils en guérissent ou non. J’ai oui dire que les malades, quand ils se peuvent lever, vont à l’arbre pour s’ébattre. C’est un grand arbre, appelé Fau, d’où vient le beau mai. Il appartenait, à ce qu’on dit, à monseigneur Pierre de Bourlemont, chevalier. Parfois j’allais m’ébattre avec les autres filles, et faisais à cet arbre chapeaux de fleurs pour l’image de Notre Dame de Domrémy. Plusieurs fois j’ai ouï dire des anciens, non pas de mon lignage, que les Dames Fées y conversaient. Et j’ai oui dire à une femme, nommée Jeanne, femme du maire Aubery, de mon pays, laquelle était ma marraine, qu’elle avait vu les Dames Fées. Mais moi qui parle, ne sais si cela est vrai ou non. Je n’ai jamais vu fée à l’arbre, que je sache.

Jean Beaupère. — En avez-vous vu ailleurs ?