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Le Vingtième Siècle

C’est la forêt minuscule, mais c’est la forêt tout de même, avec ses fourrés touffus, ses dessous tapissés de bruyères naines, avec ses profondeurs mystérieuses, qui vous donnent le vertige et le frisson des solitudes, avec ses rochers, ses ravins même, au-dessus desquels se dressent de vieux troncs dépouillés, tordus et déchiquetés par les siècles, ravagés par les ouragans ; ce sont de vastes paysages factices, absolument illusionnants, devant lesquels, en y mettant un atome de bonne volonté, on peut chercher la poésie du rêve, tout comme si l’on errait dans les quelques coins de nature sauvage qui nous restent, éparpillés çà et là par le monde et sur le point de disparaître à jamais.

Ne cherchez pas d’autres feuillées à Paris, en dehors de ces futaies factices et des maigres jardinets entretenus à grand’peine autour des maisons riches.

Le sol de Paris n’en peut guère produire, puisqu’il n’existe plus, puisque la vraie terre y a disparu ou à peu près, remplacée par un lacis embrouillé de tunnels, de canalisations diverses, de tubes métropolitains réunissant les quartiers, de tubes d’expansion au dehors, d’égouts, de caniveaux, de conduits pour les innombrables fils des divers Télés et des services électriques divers, force, lumière, théâtre, musique, etc., entrecroisés à travers un massif de béton et de pierrailles, où les racines des pauvres diables d’arbres que leur malheur a exilés dans ce conglomérat rocailleux, saturé de fluides divers, ne peuvent, même en s’allongeant et s’échevelant outre mesure, puiser qu’une bien maigre nourriture.

Mais si la villa parisienne de Georges Lorris ne pouvait guère montrer d’autres verdures que les arbres comprimés et rabougris de ces forêts d’appartement, elle possédait une annexe un peu plus loin, dans les montagnes du Limousin, à trente-cinq minutes de tube et deux heures d’aéronef à peine, une maison de campagne, petite, mais commode, agréablement placée dans un fort beau paysage, à mi-côte d’une colline rocheuse, avec des arbres de proportions naturelles et des coins de véritables bois sous ses fenêtres.

Par une heureuse idée de l’architecte, la partie supérieure de la maison, sorte de tourelle carrée dominant le corps de bâtiment principal, était mobile et pouvait monter, faisant cage d’ascenseur, jusqu’à la crête de la colline voisine et stationner ainsi, pendant les belles journées, à 80 mètres au-dessus de la maison.

De là, le pays se découvrait plus vaste, pittoresque et tourmenté,