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Le Vingtième Siècle

— Merci ! fit Mme Lacombe, vous me traiterez de tardigrade si vous voulez, mais je préfère notre petite cuisine de ménage, où je puis combiner des petites douceurs agréables quand il me plait ! Votre cuisine de la Grande Compagnie d’alimentation, tenez, ce n’est jamais que de la confection !

— Je vous assure, dit le phono, qui semblait avoir prévu des objections, que la cuisine est succulente et que les menus sont très variés. Ce ne sont pas de vulgaires marmitons, madame, ou d’ignorants cordons bleus qui préparent nos repas, ce sont des cuisiniers instruits, diplômés, des ingénieurs culinaires ayant poussé très loin leurs études ! Ils sont sous la direction d’un comité d’hygiénistes des plus distingués, qui savent ordonner nos repas selon les lois d’une bonne hygiène et nous fournir une alimentation rationnelle… Au lieu de plats combinés par des chefs sans responsabilité médicale, au hasard de l’inspiration, à tort et à travers, la Compagnie fournit la nourriture qui convient à la saison, aux circonstances, rafraîchissante ou tonifiante, abondante en viandes fortes ou en légumes quand elle le juge bon pour la santé générale… Et l’on a constaté, parmi les abonnés, une forte amélioration des gouttes, gastralgies, dyspepsies, etc. »

Le phono s’arrêta, semblant attendre des objections que Mme Lacombe, qui se défiait, se garda bien de formuler.

Après un instant, le phono continua avec une nuance d’ironie dans la voix :

« Dans tous les cas, il est honteux pour des gens de notre époque de se montrer trop préoccupés des satisfactions de l’estomac ! Cet insignifiant organe ne doit pas primer et opprimer le cerveau, l’organe roi, madame ! D’ailleurs, ces questions sont sans importance ; vous savez bien que, de nos jours, on n’a plus d’appétit ! »

Mme Lacombe soupira :

« Bon ! il est avare, je m’en doutais ! »

Ce fut aussi M. Philox Lorris qui se chargea d’engager le personnel nécessaire. Mme Lacombe fut terriblement surprise quand elle sut que ce personnel devait se composer seulement d’un concierge, d’un mécanicien breveté et d’un aide-mécanicien. Pas plus de femme de chambre ou de valet de chambre que de cuisinière.

« Heureusement ma fille aura Grettly ! » pensa-t-elle.

M. Philox Lorris avait chargé son phono de recevoir les candidatures des gens.