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Le Vingtième Siècle

collections s’accumulaient dans toutes les pièces, à tous les étages, garnissant tous les coins et recoins, envahissant jusqu’aux couloirs, elle entendit tout à coup comme une dispute s’élever dans une petite pièce ouvrant sur le grand salon, où pourtant elle n’avait vu personne lorsqu’elle l’avait traversée.

Elle reconnut les voix de M. et Mme Lorris se succédant après de courts intervalles de silence. Mme Lorris semblait faire de vifs reproches à son mari, puis la pauvre dame se taisait, sans doute en proie à une vive émotion, et, après un instant, la voix grondeuse de Philox Lorris s’élevait à son tour, parfois sur un ton de colère.


Elle reconnut les voix de M. et Mme Lorris.

Estelle, très embarrassée, toussa, remua des chaises pour indiquer sa présence ; mais, dans le feu de la colère sans doute, M. et Mme Lorris n’y prirent garde et continuèrent leur échange d’aménités conjugales.

Que faire ? Pour quitter la place, il fallait de toute nécessité qu’Estelle traversât le petit salon, théâtre de cette querelle de ménage. Elle n’osait se montrer et s’exposer aux regards irrités du terrible Philox Lorris ; il lui fallait donc bien rester là et, contre son gré, continuer à saisir quelques bribes de l’altercation.

« Je vous déclare encore une fois, disait Mme Lorris, que vous êtes insupportable, extraordinairement insupportable ! Quelle existence m’avez-vous faite, je vous le demande ? Vous avez toujours été l’être le plus désagréable du monde, avec vos idées particulières et vos systèmes !… J’exècre votre science, si c’est elle qui vous fait ce caractère ; je me moque de vos laboratoires, de votre chimie, de votre physique et je me soucie très peu de vos inventions et découvertes. Oui, monsieur, je m’en flatte, notre fils Georges ne sera pas le hérisson de savant que vous êtes, il tient trop de moi… »

Un instant de silence suivit cette blasphématoire déclaration, puis la voix de Philox Lorris se fit entendre.