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Le Vingtième Siècle

remuant à la Chambre et dans le pays, attaque en toute occasion M. des Marettes ; celui-ci a déjà porté un premier coup au parti en créant la Ligue pour l’émancipation de l’homme, et il s’est juré de lancer son Histoire des désagréments causés à l’homme par la femme avant les élections prochaines.

Hélas ! on le devine aisément, M.  Arsène des Marettes a souffert. Le chef de la ligue revendicatrice des droits masculins est une victime !

Jadis, au temps de sa lointaine jeunesse, M.  des Marettes a été marié. Jadis, il y a trente-deux ans, il a eu quelques graves désagréments avec Mme des Marettes, épouse frivole et capricieuse, volage même, dit-on. À la suite de pénibles dissentiments, M.  et Mme des Marettes, un beau matin, abandonnèrent, chacun de son côté, le domicile conjugal, sans s’être donné le mot. M.  des Marettes partit à droite, Mme des Marettes à gauche.

Ce fut le commencement d’une ère de douce tranquillité. M.  Arsène des Marettes put reprendre ses esprits, revenir à ses chères études et consacrer tous ses instants à la lutte par la parole et par la plume contre toutes les tyrannies.

Pendant quelque temps, les deux époux se sont parfois rencontrés dans les salons, en voyage, aux bains de mer ; après un échange de regards courroucés, chacun d’eux tournait vivement les talons. Puis Mme des Marettes disparut et M.  des Marettes, à son grand soulagement, n’en entendit plus parler.

Étendu dans un large fauteuil, l’auteur de l’Histoire des désagréments causés à l’homme somnole en songeant à ce livre qui couronnera sa carrière et posera définitivement sa gloire sur de larges assises. Il voit, dans une rêverie évocatrice, le défilé des grandes figures féminines de tous les temps, de ces femmes dont la beauté ou l’intelligence pernicieuse influèrent trop souvent sur le cours des événements, sur le destin des empires, de ces femmes qui furent toutes, suivant M.  des Marettes, en tous pays et à toutes les époques, par leurs défauts ou même par leurs qualités, plus ou moins funestes au repos des peuples !

Regardez ! C’est l’aurore des temps. C’est Ève d’abord, la première, dont il est inutile de rappeler la faute aux incalculables conséquences, Ève marchant, blonde et souriante, en tête d’un cortège d’apparitions étincelantes et fulgurantes : Sémiramis, Hélène, Cléopâtre, et bien d’autres ; des reines, des princesses, des épouses tyranniques, tourments de paisibles